4.05.2016

L'AÇAÏ, LE SUPERFRUIT DE L'AMAZONIE


Belém, capitale de l'Etat brésilien du Pará, dans le delta de l'Amazone, sept heures du matin. Il fait déjà chaud au Ver-o-Peso, l'un des plus grands marchés à ciel ouvert d'Amérique latine. Sur les quais, les bateaux déversent des quantités de poissons dont les noms résonnent comme des formules magiques: pirarucu, tambaqui, filhote, piranhas ... Mais c'est l'açaï (prononcer assa-ï) qui suscite aujourd'hui toutes les convoitises, au point d'être surnommé "l'or noir du Pará", et Belém, la "Mecque de l'açaï".

Chaque matin, sont écoulées ici cinquante tonnes de ces baies d'un violet foncé. Des paniers d'une quinzaine de kilos sont déchargés des barques en provenance de Marajó ou des autres iles voisines. Les porteurs, en maillot de bain, les pieds dans l'eau, rivalisent de force et chargent tour à tour trois, quatre, voire cinq paniers sur leur tête. D'autres marchés ont essaimé le long du fleuve, mais c'est bien à Belém qu'est fixé quotidiennement le cours du fruit Les plus gros acheteurs du pays se disputent les meilleures récoltes, assurant ainsi des revenus réguliers à des dizaines de communautés de Caboclos, ces indigènes qui se chargent de cueillir les grappes à quinze mètres du sol se balançant d'un tronc de palmier à l'autre...

Pour Belém, le boom de l'açaï tient du miracle. La ville semblait assoupie depuis un siècle. Elle s'était enrichie grâce au caoutchouc, mais sa fortune avait fondu au début du XX siècle, lorsque l'hévéa asiatique avait inondé la planète. Or, depuis une décennie, l'açaï, qui n'était auparavant consommé que dans la région du Pará, est devenu le superfruit amazonien dont le monde raffole Les surfeurs des plages de Rio seraient à l'origine de cet engouement soudain, si bien que la capitale du Brésil compte désormais des dizaines de bars spécialisés, où le fruit se retrouve dans des jus, smoothies, sorbets, sucettes, bonbons... Sa consommation a deptùs gagné la Californie, l'Australie, et même la France, où l'açaï est prisé au même titre que les baies de gogi, la grenade ou la myrtille, pépites antivieillissement. Bonnes au goût et pour la santé.

Doté de vertus aussi réelles que fantasques, l'açaï est pourtant un fruit ingrat : il ressemble à une petite olive qui aurait un très gros noyau. Surtout, il ne se consomme pas tel quel mais doit être traité dans les vingt-quatre heures qui suivent son acrobatique récolte. Quant à sa saveur, elle peut d'abord décontenancer. Comme l'a écrit le grand romancier brésilien Mário de Andrade, en 1927: "L'açaï s'incruste dans la bouche, il a un goût de bois écrasé, pas un goût moelleux de fruit, un goût de feuille. Et il devient tout mou,  rénostalgique, une amertume lointaine qui n'arrive pas à être amère et finit par plaire ..."

Par Carole Saturno dans "Geo France",juillet 2012, n.401, pp 26.  Dactylographié et adapté pour être posté par Leopoldo Costa.

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