8.15.2016
GASTRONOMANIE - LE TRIOMPHE DU GOÛT US
RÉVOLUTION! NOUS VOILÀ TOUS TOQUÉS DE CUPCAKES, BAGELS ET AUTRES BURGERS PRÉPARÉS DANS LES RÈGLES DE L'ART. LOIN DES A PRIORI, ON (RE)DÉCOUVRE UN PATRIMOINE GOURMAND ... ET DES IDÉES NEUVES.
Avant, tout était simple. La France, avec son vignoble, ses sauces, ses tours de main, son Bocuse et son Lenôtre, était la Mecque de la gastronomie, où tout Américain un peu éclairé se devait d'accomplir un jour un pèlerinage. Une sorte d'antidote indispensable, quand on avait le malheur de naître dans l'empire du Mal (manger), peuplé d'indigènes obèses shootés aux hamburgers industriels arrosés de ketchup et noyés sous des hectolitres de sodas.
FINI L'ENVAHISSEUR... LE FAST-FOOD EST APPRIVOISÉ PAR LES JEUNES CHEFS
Synonyme de malbouffe, les États-Unis? Trente ans après l'apparition des fast-foods sur notre territoire, on n'en est plus si sûrs. On peut certes continuer à crier haro sur les MacDo, mais nous en sommes aujourd'hui les deuxièmes consonunateurs au monde, derrière les Américains! Dans notre paradis culinaire où le concept de "repas rapide" se résumait au jambon-betme, ils ont manifestement comblé un manque. La génération des trentenaires, qui arrive aujourd'hui aux fourneaux, n'a pas les préjugés de ses aînés. Au contraire : les jeunes restaurateurs adorent servir à leur clients une version "premium" du burger de leur adolescence. Comme au Blend, à Paris, qui nous propose huit variations sur ce thème, avec de la viande fi·ançaise sélectionnée par le boucher star Yves-Marie Le Bourdonnee et des buns maison. Le burger est aussi le "plat signature" de Brice Morvent (ex-Top Chef), dans son Comptoir du marché Saint-Martin à Patis. Et Pierre Moussier, néo-bistrotier aveyronnais à la tête de plusieurs restaurants branchés, a particulièrement soigné la version du Floréal, son adresse phare à Paris. Avec son équipe, ils ont "regardé des heures de vidéos sur Youtube pour saisir les bons gestes. Nous les trentenaires, on a grandi avec les fastfoods. Le burger, c'est notre madeleine. On a envie de faire découvrir la version originale", explique-t-il.
Revisitée avec des ingrédients de qualité, l'icône US s'invite sur les tables chic, comme chez Meert, institution lilloise, et même dans les palaces. Au Meurice, celui de Yatmick Alleno a même été élu "meilleur burger du monde" par le New York Times! Aujourd'hui, ce sont les mini burgers, encore plus gourmands et ludiques, qu'on croise partout, du Scoop au Touquet au Little Red Café à Montpellier.
L'édition culinaire a vite flairé la tendance. Tana a sorti dès 2008 un 'Petit Guide d'initiation à la cuisine US', avec des recettes de mac'n'cheese (gratin de macaroni) ou de cobb salad (romaine-poulet-avocat-bacon), une cousine de la célèbre Caesar's), qui s'implantent aussi actuellement dans nos bistrots. L'éditeur Mango a cartonné, en pleine Obamania, avec 'Yes we cook'. lancé en 2009 à Toulouse, le site My American Market, qui permet de s'approvisionner d'un clic en produits américains culte (soda Dr Pepper, sauces barbecue décoiffantes, ingrédients pour gâteaux typiques... ) est une vraie success story. "Avec l'élection d'Obama, les Français ont changé de regard sur les USA.
On peut dire à nouveau qu'on aime ce pays et s'intéresser à sa cuisine. Les blogs d'expatriés, les réseaux sociaux où l'on partage ses expériences de voyage l'ont aussi tnieux fait connaître", analyse Anne-Claire Bocage, une des fondatrices du site. Et deux autres ouvrages consacrés aux burgers sont encore sortis à la rentrée chez Marabout et Tana.
Eh oui, entre la France et l'Amérique, l'amour ou le désamour culinairesont aussi liés à la politique. Souvenez-vous, sous l'administration Bush, ce fut une succession de guerres picrocholines: les french fries (frites) rebaptisées freedom fries dansles restaurants, pour cause d'opposition française à l'offensive américaine en Iraq; José Bavé s'attaquant au McDo de Millau, pour dénoncer la menace d'importation de boeuf aux hormones US ; et les États-Unis répliquant en surtaxant le roquefort au
lait cru! Avec Barack Obama, sans oublier la first lady installant un potager bio à la Maison Blanche et s'engageant contre la malbouffe et l'obésité, les relations diplomatico-gourmandes se sont tout de suite réchauffées.
CUPCAKES MADE IN BORDEAUX, NANTES ...
Ces dix dernières années, les séries télévisées culte ont aussi joué les ambassadrices. Depuis des années, on y voit nos héros favoris préparer le pumpkin pie d'Halloween ou la dinde de Thanksgiving.
On a dévoré les cookies de Phoebe dans Friends, regretté que Jack Bauer ne finisse jamais ses pancakes, envié la maestria de Bree Van De Kemp et ses paniers de muffins enrubannés. Pour Sabine Hervy, créatrice du blog Cuisine en Séries, elles ont amplement contribué à populariser les spécialités US : "Dans les séries, on est dans le quotidien, les gens mangent tout le temps! Desperate Housewives est ma principale source d'inspiration. Dans la dernière saison, Je thème de la cuisine monte en puissance : même Susan s'y met!"
C'est évident: sans 'Sex & The City' et les expéditions répétées de Carrie et ses copines à la célèbre Magnolia Bakery new-yorkaise, jamais les cupcakes, ces mini gâteaux beaux comme des bijoux, chapeautés de crème colorée et ornés de motifs en sucre, n'auraient fait une telle carrière.
Aujourd'hui, chaque ville française a sa (ou ses) cupcackeries : Crocup à Marseille, Billy Cupcakes à Bordeaux, Loulou's Cupcakes à Nantes ... Depuis peu, elles proposent même des wedding cakes (gâteaux de mariage) richement décorés et colorés, alternativefashion à la pièce montée. On peut aussi y découvrir le whoopie pie, un petit cousin yankee du macaron, avec ses deux disques bombés qui enserrent à la façon d'un sandwich une voluptueuse crème au beurre bien colorée. Le whoopie, c'estun peu la version artisanale de l'Oreo. le célébrissime petit gâteau au chocolat industriel qui colonise aujourd'hui les rayons de nos supermarchés
LE CHEESECAKE COMME À NEW YORK AVEC DU VRAI PHILADELPHIA
Car, bien sûr, le marketing a lui aussi senti le vent tourner. L'an dernier, le géant américain de l'agroalimentaire Kraft Foods a lancé en France son fameux Philadelphia Cream Cheese. Indispensable dans le bage! au saumon fumé des delicatessen new-yorkais, il est suttout l'ingrédient de base du cheesecake. Dans les restaurants parisiens, les plus réussis viennent de chez Rachel's Cakes, entreprise créée en 2008 par trois expatriés, qui emploie aujourd'hui ving-cinq personnes, et écluse plus d'une tonne de "Philly" par mois!
À l'heure du goûter, les moelleux cookies aussi font de l'ombre au chausson aux pommes. De jeunes Françaises, comme Laura Petit, de Scoop Me a Cookie (à Paris), s'emploient à les réinventer. Côté ingrédients, elle a choisi la qualité : beurre AOC des Charenres, noisettes du Piémont, fleur de sel de Camargue, et zéro additif. Mais elle joue aussi sur la grande tradition US des appellations accrocheuses, avec ses cookies baptisés Surprise me ou In the Mood for Love.
Le cookie sera-t-il le nouveau sablé? Marabout a vendu 40000 exemplaires des Cookies de Laura Tood (la marque leader, implantée en France dès les années 90), et carrément 60000 de son Goûter à New York, un poétique répertoire des douceurs emblématiques de la Grosse Pomme : carrot cake, banana bread, roulé à la cannelle ...
L'auteur, Marc Grossman, a ouvert il y a quelques années dans la capitale Bob's Juice Bar et Bob's Kitchen, où il propose une petite restauration bio et végétarienne: makis géants, gâteaux de saison, et surtout des smoothies, ces boissons aux fruits frais mixés, vitaminées et 100% naturelles, très populaires outre-Atlantique. Avec ses très cool bars à jus sans une once de junk-food, inspirés de ces petites cantines veggies qu'on trouve partout à Brooklyn, Grossman a prouvé aux Parisiens que l'Amérique avait parfois une sacrée longueur d'avance en matière de déjeuner rapide, sain et surtout savoureux.
ET BIENTOT LE HOT DOG
Un concept de restauration inédit, le souci de la qualité et de bons produits, en adéquation parfaite avec nos modes de vie : c'est aussi ce qui caractérise les fameux foodtrucks lancés depuis peu sur le bitume parisien. Dans les villes américaines, la crise de 2008 a fait le suoeès de ces "restomobiles" pilotés par de vrais cuisiniers, qui proposent de la cuisine de rue du monde entier à prix doux(parfaite pour (bien) manger sur le pouce. Ils stationnent le midi dans les quartiers de bureau, et dans la soirée, les gourmands suivent leurs déplacements sur Facebook ou Twitter.
À Paris, les premiers font un tabac. Le Camion qui Fume et Cantine California, lancés par des Américains, proposent surtout ... des hamburgers, faits minute et juste délicieux. Kristin Frederick, la chef californienne du premier, formée à l'école Ferrand! et au restaurant Apicius, est une fan de notre gastronomie et des produits made in France, qu'elle cuisine dans sa cambuse itinérante.
Et si c'était ça la clé de cet engouement? Dans ces restaurants, coffee-shops, pâtisseries, cantines ambulantes ou pas, Français et Américains s'inspirent les uns des autres, dans une saine et goumande émulation. la vague US qui déferle sur nos fourneaux n'a rien d'impérialiste. Une fois oubliés nos préjugés, tous les métissages sont permis. Comme chez Big Fernand (Paris), autre nouvelle adresse à burgers. Le service y est aussi efficace qu'au fastfood Les patrons ont étudié la gestion des queues à la McDo), mais les burgers de charolais ou de blonde d'Aquitaine sont t-ouron nés de légumes grillés et d'herbes fraiches, tandis que le cheddar est banni au profit des "fromages qui puent" (sic): fourme, tomme au lait cru, saint-nectaire fermier ... Les trois associés s'attaqueront bientôt, avec Little Fernand, à un autre symbole : le hot dog! Quiconque a fuit l'expérience de la version génémlement servie dans les troquets français, avec baguette carbonisée et béchamel insipide, leur dit d'avance thank you.
Par M.O.Briet dans "Intense Cuisine Actuelle", n. 4, octobre-novembre 2012, France, pp.20-23. Dactylographié et adapté pour être posté par Leopoldo Costa.
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