1.23.2018

L'INVENTION DE LA GUILLOTINE



Sous l'Ancien Régime, le condamné à mort était pendu ou décapité à l'épée. A partir de 1791, on préconisa une machine destinée à ... adoucir la peine capitale.

Les corps sont coupés en deux et les têtes roulent. En "un clin d'oeil", et sans souffrance. Du moins est-ce le voeu de Joseph-Ignace Guillotin, le créateur et promoteur de cette machine à tuer, qui s'appellera plus tard la guillotine. Cet engin a donc été conçu comme une machine humaniste, destinée à adoucir la peine capitale. "On ne saurait imaginer instrument qui concilie mieux ce qu'on doit à l'humanité et ce qu'exige la loi(...), du moins tant que la peine capitale ne sera pas abolie", écrit avec admiration le journaliste Louis-Marie Prudhomme dans le quotidien "Les Révolutions de Paris". Il vient d'assister à la première exécution, en 1792.

Il faut se souvenir qu'avant la guillotine, la peine de mort était une double et même une triple peine. Elle privait l'éxecuté de la vie, tout en jetant sur lui et les siens le déshonneur, et en causant à la victime d'horribles douleurs. La décapitation à l'épée ou la pendaison constituaient un calvaire. Un texte de la fin du XVIII siècle, signé par un certain François-Fortuné Guyot de Fère, raconte comment, assistant à une exécution sous l'Ancien Régime, un médecin fut choqué par les plaintes du supplicié. Ce médecin, c'était Guillotin ... Ce n'est pourtant pas en défendant les condamnés à mort qu'il commença sa carrière politique. Ce franc-maçon, dignitaire du Grand Orient, se fit d'abord connaître à la fin de l'année 1788 en réclamant le doublement du nombre de représentants du tiers état. Sa proposition fut rejetée par le Parlement mais elle lui valut d'être élu député de Paris aux Etats généraux. Alors commença le combat qui allait le rendre célèbre.

Contrairement à Robespierre à cette date, Guillotin n'était pas opposé à la peine capitale, mais il défendit à la tribune de l'Assemblée, le 10 octobre 1789 et, de nouveau, le 1er décembre, l'idée d'une exécution aussi indolore que possible, et dénuée de toute notion d'infamie.

Il s'agissait, et c'était nouveau, d'appliquer la peine, rien que la peine ... "Le criminel sera décapité: ille sera par l'effet d'une simple mécanique", proposa ainsi Guillotin, préconisant que cette décapitation soit appliquée à tous les condamnés, alors qu'elle était jusque-là un privilège réservé aux nobles.

Un facteur de clavecins strasbourgeois fournit la première guillotine

Il fallut attendre 1791 pour que le principe de cette peine capitale unique, par "décollation", soit inscrit dans le Code Pénal, sur proposition du député Le Peletier de Saint-Fargeau. Mais alors survinrent des difficultés techniques. Comment pouvait-on garantir une exécution indolore, conformément aux voeux de Guillotin? Le bourreau Charles-Henri Sanson fit entendre sa parole d'expert. Les décapitations au fil de l'épée, exposa-t-il, se déroulaient rarement sans mal pour le condanmé - soit parce que ce dernier bougeait trop, soit parce que l'exécutant manquait de dextérité. Pour garantir une exécution "propre", Sanson recommandait donc d'avoir recours à une machine.

Il en existait déjà dans les pays voisins depuis longtemps. Au moins 120 têtes avaient été tranchées par une décapiteuse écossaise surnommée la "maiden" (la "vierge"), au tournant du XVII siècle. En Italie, un instrument baptisé la "mannaia" avait aussi rempli ce sinistre usage.

L'Assemblée confia la conception d'un tranche-tête à Antoine Louis, secrétaire perpétuel de l'Académie royale de chirurgie. Scientifique reconnu, expert auprès des tribunaux, c'était également un homme éclairé, qui avait rédigé plusieurs articles de "L'Encyclopédie". Il se mit au travail et donna ses instructions au charpentier du roi, Guidon. Ce dernier avait la folie des grandeurs : il proposa un meuble luxueux, en bois de chêne, avec un escalier de douze marches et trois tranchoirs du "meilleur acier", le tout livré avec un modèle miniature, pour la démonstration. Magnifique, mais hors de prix. Louis se tourna alors vers un mécanicien et inventeur strasbourgeois du nom de Tobias Schmidt, connu comme facteur de clavecins. Celui-ci fournit la première guillotine pour une somme cinq fois inférieure à celle demandée par Guidon.

La machine fut prête en avril 1792, et testée avec succès dans la cour de l'hôpital Bicêtre, à Paris, sur des moutons puis sur les cadavres de trois vagabonds. Et c'est quelques jours plus tard, le 25 avril, qu'un certain Nicolas-Jacques Pelletier entra dans l'Histoire comme le premier guillotiné.

Par Damien Dubuc dans "Geo Histoire France", Octobre-Novembre 2012,  Nº 5, p.75 . Numérisée, adapté et illustré par Leopoldo Costa.

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