11.07.2018

TOUT UN FROMAGE



S’il n’a conquis les tables citadines et aristocratiques qu’au Moyen Age, le fromage ne saurait aujourd’hui manquer le rendez-vous d’un bon repas.

Beaucoup des meilleurs produits gastronomiques de toutes les contrées du monde résultent de l’art de conserver des comestibles périssables. Ainsi en est-il des denrées séchées, des salaisons, des confits sous la graisse, des confitures, du vin, merveilleuse façon de sublimer le jus de raisin, des conserves en bocaux ou en boîtes métalliques (ah ! les sardines à l’huile, inventées à Nantes en 1823) et, bien sûr, des fromages. Le caillage à froid ou à chaud, l’égouttage, éventuellement suivis d’un pressage et d’un affinage en atmosphère fraîche et humide permettent de garder actives les vertus du lait pendant des semaines, des mois, des années, jusqu’à trois ans et plus pour les parmesans ou les comtés, et de concentrer la saveur de son terroir.

L’invention du fromage remonte au néolithique. Les pratiques antiques subsistent dans ses noms actuels : le français inversé par métathèse découle du latin forma, « moule », respecté dans l’italien formaggio, tandis que son nom latin, caseus, de l’indo-européen kwat, « fermenté », survit dans cheese, Käse, queso, queijo.

La taille et la consistance des fromages dépendent des anciennes pratiques d’élevage et du marché. Ils sont de très petite taille dans les régions d’autoconsommation (crottin de Chavignol), plus grands et moelleux dans les régions proches des villes (maroilles). Ils sont très grands, lourds et secs dans les montagnes où l’éloignement des marchés a conduit à inventer des pratiques collectives, parmi lesquelles les fruitières du Jura. Ces coopératives remontent au Moyen Age, mais les gros fromages dits vachelins ou comtés datent du XVIIIe siècle et doivent beaucoup au savoirfaire suisse. Les souterrains des forts de Vauban constituent des caves de vieillissement idéales.

Nourriture paysanne à l’origine, le fromage est devenu citadin et aristocratique dès le Moyen Age, comme c’est le cas du brie à Paris et, plus tard, du camembert érigé après la Grande Guerre au rang de véritable symbole national français. Brillat-Savarin fut le premier auteur à affirmer, en 1825, qu’« un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un oeil ». Et Victor Meusy composa vers 1900 une superbe chanson à la gloire du fromage dont le refrain proclame : « Que sentirait la vie, si on ne t’avait pas ? » Seuls les Anglais maintiennent le bel usage, général dans les temps anciens, de servir le fromage après le dessert sucré, par exemple leur délectable blue stilton avec du vieux porto.


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LA FONDUE SUISSE

Apparue en 1699 dans un manuscrit zurichois, la conviviale fondue est devenue populaire à partir des années 1950, en lien avec l’essor des sports d’hiver. Comptez 200 g de fromage par personne en mêlant par tiers gruyère, vacherin de Fribourg, appenzell. Frottez un caquelon d’ail, faire fondre les fromages émincés avec 7 cl de fendant par personne. Ajoutez au dernier moment un peu de poivre et de muscade, ainsi que de la fécule délayée dans un petit verre de kirsch. Se déguste dans la joie en trempant des morceaux de pain de campagne piqués au bout d’une grande fourchette. Accompagner du même vin que celui de la préparation.

Par Jean-Robert Pitte dans "Le Figaro Histoire",aoút/septembre 2018, n.39, France, p.35.  Numérisé et adapté pour être posté par Leopoldo Costa.

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