En l’an 749 après la fondation de Rome, Jésus-Christ naquit, suivant la tradition, dans une grotte de Bethléem, en Judée, patrie de son ancêtre David. Joseph et Marie, ses parents, s’y étaient rendus pour satisfaire à un recensement ordonné dans tout l’Empire romain par Auguste, son empereur depuis quatorze ans. La Judée était la partie méridionale de la Palestine, dont la Méditerranée formait la limite ouest, et la dépression (lac de Tibériade, Jourdain, mer Morte) la frontière orientale. Plus au nord et plus verdoyantes, la Samarie et la Galilée offraient à la Palestine des paysages de collines et de plaines cultivées. Ce pays d’invasions avait connu les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs et les Séleucides, et enfin, depuis 63 av. J.-C., les Romains.
L’empereur Auguste y avait délégué ses pouvoirs au gouverneur Hérode le Grand, devenu roi en 40 av. J.-C., et réputé pour ses ambitions et sa cruauté. Il laissa à son temps le souvenir réel ou légendaire du « massacre des innocents », auquel Jésus nouveauné avait échappé. À Rome, Tibère, qui régna de 14 à 37, remplaça Auguste. De son côté, Hérode avait trois fils ; Hérode-Antipas lui succéda en Galilée ; la Samarie et la Judée confi ées à ses autres fi ls tombèrent sous la tutelle de Rome. Elles furent pacifiées et administrées par un gouverneur, Ponce-Pilate, acteur et témoin de la condamnation à mort du Christ.
Mais ce gouverneur ne disposait d’aucun pouvoir sur les décisions religieuses et de justice prises par les grands prêtres des tribunaux juifs, et surtout par le « Sanhédrin », tribunal de Jérusalem, ville sainte depuis le roi David. Le Sanhédrin suivait les règles données par Moïse au peuple hébreu. Le Codex romain n’ayant pas encore remplacé la loi juive du Talion (oeil pour oeil…), le gouverneur devait se contenter de ratifier ou de refuser les condamnations à mort.
La liberté religieuse des Juifs était donc entière ; pourtant ils détestaient l’occupant, les Romains, qui tentaient de leur imposer leurs coutumes païennes et leur appliquaient de lourds impôts. Malgré leur similitude de pensée ayant à sa source la Loi de Moïse, les Juifs étaient partagés en diverses « sensibilités » ou tendances, mêlant la politique à la tradition religieuse. Ils étaient donc Sadducéens, Pharisiens, Zélotes ou Esséniens.
Les Sadducéens
Les Sadducéens formaient l’aristocratie religieuse qui se disait fidèle à la Loi de Moïse. Soucieux de leur puissance et de leurs privilèges, ils s’appuyaient sur les Romains et collaboraient avec eux. Par ailleurs, ils détestaient le Christ qui avait traité leurs prêtres de « voleurs » et les avait chassés du Temple de Jérusalem.
Les Pharisiens
Les Pharisiens, devenus à leur tour les maîtres du Temple de Jérusalem détruit une nouvelle fois et reconstruit, étaient plutôt des intellectuels rigoristes, cherchant à appliquer scrupuleusement la loi mosaïque (de Moïse) ; « ils filtraient le moucheron… » disaient leurs opposants.Leurs « synagogues » furent vouées à l’enseignement et à la prière rituelle du jour du Sabbat (samedi) réservé à Dieu. Leurs « rabbins », véritables maîtres à penser, remplacèrent les prêtres ou « lévites », qui assuraient le service du Temple. Ennemis jurés des Romains, ils surveillaient aussi avec attention, pour le prendre en défaut, les moindres paroles et les actes de Jésus qui se proclamait le « Messie » attendu, c’est-à-dire l’envoyé de Dieu, devant apporter le bonheur, la justice et l’harmonie au peuple hébreu.
Les Zélotes
Les Zélotes (ou zélés) étaient les plus passionnés et les plus prompts à la bagarre, voire à l’émeute, pour faire respecter, dans le Palestine « soumise » aux Romains, leur religion. Ils étaient donc des hommes de terrain, des « résistants » à l’oppression romaine. La tradition laisse penser que les apôtres Judas et Simon avaient fait partie de leur groupe, tout comme Barrabas, agitateur politique libéré à la place de Jésus.
Les Esséniens
Les Esséniens formaient la branche la plus austère et la plus pieuse des Juifs. Refusant le faste et les honneurs prisés des Pharisiens, ils s’étaient retirés du monde, vivant en communautés religieuses dans des grottes près de la mer Morte. Ils recherchaient, au-delà des privations corporelles, la satisfaction de l’âme. Jean-Baptiste, précurseur du Christ, séjourna sans doute parmi eux, dont le mode de vie attirait la sympathie de Jésus.
Les Samaritains
Les Samaritains sont les descendants des habitants de Samarie, ancienne capitale du royaume d’Israël. Devenus Assyriens par la conquête et par des mariages mixtes, ils restèrent sur leur territoire et mêlèrent à la religion juive de nouveaux cultes et des idoles des pays voisins. Au retour de l’exil de Babylone, les Juifs souhaitaient reconstruire le Temple de Jérusalem ; les Samaritains préféraient un temple sur le mont Garizim. La rupture entre eux fut totale. Les Samaritains furent déconsidérés par les Hébreux et méprisés. La parabole du « bon Samaritain » par Jésus peut être considérée comme une invitation à la réconciliation.
La vie du Christ
Les Juifs, comme les Romains interprétant ses paroles, ne comprenaient pas que le «nouveau royaume» était spirituel et que le Christ libérait les hommes de leurs fautes, de leurs péchés. C’est pourquoi les Pharisiens inquiets et les autorités juives le firent capturer, juger et condamner à mort comme blasphémateur pour des motifs religieux. Les autorités romaines, ne voulant pas de troubles et craignant les agitateurs, entérinèrent ainsi la décision du Sanhédrin. Jésus mourut donc, à Jérusalem, du supplice romain de la croix. Sa croix portait une inscription au motif de sa condamnation : INRI soit « Iesus Nazareum Rex Iudi », Jésus de Nazareth Roi des Juifs.
Le message du Christ
La vie, la personnalité et surtout les enseignements purement oraux du Christ nous sont connus grâce aux quatre Évangiles de ses disciples Marc, Luc, Matthieu et Jean. Ces recueils évangéliques, et non biographiques, sont les seuls retenus pour faire autorité en matière de religion. Mais il a dû en exister d’autres. Évangile signifie en grec «Bonne Nouvelle». Les Évangiles, les Actes des Apôtres (de Luc) les Épîtres (ou lettres) de Paul et de Jude, et l’Apocalypse de Jean forment le « Nouveau Testament », c’est-à-dire plus simplement la « nouvelle alliance » établie entre Dieu et les hommes ; il s’ajoute à l’« Ancien Testament » et le complète. Ce Nouveau Testament forme environ le quart de la Bible. C’est la partie propre au christianisme.
La Bible est l’histoire du peuple juif et de ses relations passionnelles avec Dieu. C’est aussi un livre de psaumes à la gloire du Créateur et un ouvrage de prières. On appelle « Textes apocryphes » certains livres de commentaires sur l’enseignement du Christ. Les autorités religieuses les considèrent comme des écrits « limites », en marge du christianisme naissant, et porteurs de risques d’hérésie. Les apôtres Matthieu et Jean furent des témoins oculaires de la vie publique du Christ. Luc et Marc n’en furent que des témoins secondaires, consignant par écrit ce qu’ils avaient entendu de l’entourage du Christ. Chacun s’exprime avec sa personnalité et ses réactions propres:
1. Matthieu insiste sur la tradition biblique dans laquelle l’enseignement du Christ s’enracine;
2. Marc parle surtout du rôle des apôtres;
3. Luc, médecin et de culture hellénistique, s’attarde sur des explications géographiques, historiques ou scientifiques;
4. Jean, penseur mystique et théologien, fait appel à des réflexions profondes, morales, souvent symboliques, moins à la portée de l’illettré. Mais il est également celui dont l’Évangile colle le plus à la chronologie de la vie du Christ.
Mais tous proclament la «Bonne Nouvelle», c’est-à-dire le salut apporté à tous les hommes qui vivent dans leur vie quotidienne, et pas seulement au travers d’une gestuelle, l’amour de Dieu et l’amour du prochain – fut-il son ennemi. L’Évangile est un appel à la Foi vécue, réalisée tout au long de la vie, car le « Royaume de Dieu » diffère des royaumes des hommes. Il fait appel à des vertus difficiles à pratiquer, comme la douceur, le renoncement, le pardon, la pureté, le refus de la vengeance. C’est le thème de l’Évangile des « béatitudes », appelé aussi le sermon sur la montagne.
L’enseignement du Christ conservait la croyance juive en un Dieu Unique, ainsi que les règles de morale du Décalogue (lois données par Dieu à Moïse, sur le mont Sinaï) appelées les «Dix Commandements».
Mais le christianisme, se voulant une religion « universelle », s’adressait non pas à une seule nation, mais à tous les hommes, tous étant «également» appelés à devenir fils de Dieu, sans exceptions ni privilèges. Le Christ insistait aussi sur l’amour infini de Dieu pour les hommes, et sur sa miséricorde à l’égard des fautes commises. Il rappelait également la nécessité d’une vie pieuse et vertueuse supérieure à des pratiques rituelles irréfléchies et mécaniques, pour atteindre le « Royaume de Dieu ». Cette religion trouva un écho particulier chez les humbles, les déshérités, les esclaves, qui y retrouvaient leur dignité humaine, mais elle inquiéta les pouvoirs en place, les institutions établies, juives ou romaines.
C’est pourquoi les premiers chrétiens furent poursuivis à la fois comme opposants religieux, car ils refusaient d’adorer les dieuxromains ou l’effigie de l’empereur, et comme opposants politiques susceptibles de créer des révoltes sociales par leurs idées d’égalité et de justice. Des persécutions se déchaînèrent, à plusieurs reprises, dès le Ier siècle, contre les chrétiens, qui devinrent des « martyrs » offerts en spectacle aux païens, dans les amphithéâtres des villes romaines. Néron, Trajan, Marc-Aurèle, Dèce et Dioclétien déclenchèrent des persécutions parfois massives.
Mais la nouvelle religion se répandit, du Moyen-Orient dans toute l’Europe et le monde romain, puis chez les peuples barbares grâce aux apôtres puis aux missionnaires. Antioche, Athènes, Alexandrie, Rome furent les premières métropoles chrétiennes, et Rome surtout devint la capitale du christianisme.On appelle catacombes des lieux de sépultures juives, païennes ou chrétiennes, formées de galeries souterraines où des niches fermées par dalles recevaient les corps des défunts. Des chambres funéraires ou cryptes élargissaient parfois les galeries. Les premiers chrétiens s’y réfugièrent parfois en période de persécutions pour y célébrer leur culte.
Les catacombes virent naître l’art chrétien par sa décoration simple mais imagée et symbolique. Les principaux symboles retrouvés en ont été:
1. le poisson, ichtus en grec, dont les lettres sont l’abréviation de Jésus-Christ fils de Dieu Sauveur, «Iesus Christos Theos Uios Soter». Parfois le poisson a été remplacé par un dauphin.
2. la croix rappelait la mort du Christ mais aussi son triomphe sur les forces du mal par sa résurrection;
3. le chrisme, monogramme du Christ, reprend les lettres grecques I de Iesus et X de Xristos, ou bien les lettres X et R (1re et 2e lettres en grec de Xristos, en les combinant);
4. l’agneau symbolise à la fois le sacrifice du Christ innocent immolé sur la croix et le Christ, pasteur des âmes;
5. la vigne signifie le Christ porteur de fruits mais aussi le raisin écrasé qui donne le vin de la messe, sang du Christ.
Il s’en ajoutera d’autres au cours des temps, comme l’auréole ou nimbe autour du visage, signe de la sainteté et de l’aura « bénéfique », les branches de palmiers ou de lauriers rappelant le triomphe du Christ. L’empereur Constantin fut le premier à reconnaître, par l’édit de Milan en 313, la liberté religieuse des chrétiens et à favoriser, après sa propre conversion, le développement du christianisme.
Foi et culte chrétiens
Le dogme fondamental de la religion chrétienne est la croyance en un Dieu Unique par sa nature divine, mais révélé aux hommes en trois personnes divines, le Père créateur, le Fils Jésus-Christfait homme pour sauver les hommes, et le Saint-Esprit représenté soit sous la forme d’une langue de feu, exprimant la lumière divine et l’Amour, soit sous la forme d’une colombe, symbole de paix.
L’Église est l’ensemble de ceux qui croient dans le Christ. Saint Pierre puis les papes en sont les chefs spirituels. Le culte primitif fut célébré chez des particuliers avant la construction des basiliques et des églises. Les douze apôtres, puis les disciples, furent les ancêtres du clergé chargé des communautés chrétiennes nouvelles. L’entrée dans l’Église se fait lors d’une initiation, le baptême, pour lequel l’adulte revêt la robe blanche après avoir été immergé dans un bassin ou dans un fleuve, ou avoir reçu l’eau purificatrice sur son front. Le baptême des nouveau-nés s’y est ajouté par la suite.
Six autres sacrements jalonnent la vie du chrétien pour l’aider à vivre pleinement sa foi religieuse. Les plus importants avec le baptême sont la confirmation, qui renouvelle la foi du baptême avec l’aide de l’Esprit-Saint, et l’eucharistie par lequel le Christ se donne à chacun sous les espèces du pain (l’hostie) et du vin. La messe est la cérémonie au cours de laquelle les chrétiens réunis revivent la Cène, repas au cours duquel le Christ a pérennisé sa présence parmi les hommes, justement sous les apparences du pain et du vin consacrés.
La diffusion du christianisme
Elle fut facilitée par l’unité politique du monde romain, jalonné de routes terrestres et maritimes. Ses obstacles furent l’hostilité du pouvoir civil en place, celle des autres religions, le plus souvent polythéistes, et le scepticisme des païens. Pourtant, le message religieux et social du christianisme se répandra dans le temps et l’espace malgré des persécutions. Mais il devait à son tour connaître des interprétations particulières du dogme de la Trinité.
L’«arianisme» en particulier déclencha des batailles d’opinion, à l’instigation d’Arius, évêque d’Alexandrie qui ne reconnaissait pas la divinité du Christ. Le concile de Nicée, réunissant en 325 les évêques de la chrétienté, sous Constantin, devait condamner cette première hérésie, qui fut cependant adoptée par plusieurs peuples barbares du nord de l’Europe. Compte tenu de ces difficultés, on peut dire qu’à l’aube du Moyen Âge, le monde romain puis barbare était acquis au christianisme,ainsi qu’une partie de l’Égypte où les « coptes » formeront le noyau du christianisme.
Par Éliane Lopez dans le livre "L’Histoire des Civilisations", Groupe Eyrolles, Paris,2008, p.142-150. Édité et adapté pour être posté par Leopoldo Costa.
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