Le procès de condamnation de Jeanne est connu grâce à des sources originales conservées jusqu'à nos jours: la minute française et la version officielle en latin, dont trois exemplaires nous sont parvenus. Il s'agit d'un procès d'Eglise: les deux juges étaient l'évêque de Beauvais, Pierre Cauchon, et le vice-inquisiteur du diocèse de Rouen, Jean Le Maistre.
Pierre Cauchon dut solliciter du chapitre de Rouen l'autorisation de tenir le procès dans cette ville, et non à Beauvais (tombée aux mains des Français de Charles VII). Cette autorisation lui fut accordée le 28 décembre 1430. Quant à Jean Le Maistre, il n'accepta de se joindre au procès que lorsqu'il eut reçu l'autorisation officielle de l'inquisiteur de France,Jean Graverent, le 12 mars 1431.
UN PROCÈS EN DEUX PHASES
Le procès de Jeanne s'ouvre le 9 janvier 1431. La première phase, le procès préparatoire, correspond à notre instruction. Le juge principal constitue d'abord son tribunal qui comprend un promoteur (Jean d'Estivet, chanoine de Beauvais),un commissaire examinateur des témoins (Jean de la Fontaine), un exécuteur des convocations (Jean Massieu) et deux notaires greffiers (Guillaume Colles, dit Boisguillaume, et Guillaume Manchon). En dehors de Jean d'Estivet, tous ces '"officiers" étaient des clercs normands. Ensuite, Pierre Cauchon lança plusieurs enquêtes, dont l'une au pays d'origine de Jeanne. Ces enquêtes furent conduites entre le 23 janvier et le 19 février. Leur texte n'a pas été conservé.
Les interrogatoires de Jeanne commencent le 21 février. Ce sont d'abord des interrogatoires publics, qui se passent au château de Rouen, dans la chapelle ou dans la "chambre du parement". Outre les juges et les officiers, de nombreux assesseurs sont présents aux premières séances (de 40 à 60).
Il s'agit, pour la plupart, de clercs rouennais, auxquels se joignent six universitaires parisiens et quelques anglais. Les séances publiques 3 mars 143l. Ensuite,du 10 au 17 mars, les interrogatoires ont lieu dans la prison de Jeanne, située dans l'une des tours du château. Seul un petit nombre d'assesseurs y participe, avec l'évêque et l'inquisiteur. Au cours des interrogatoires, on demande d'abord à Jeanne de prêter serment, ce qu'elle n'accepte finalement que sous conditions.
Puis sont abordées les questions qui intéressent les juges: les voix qu'elle dit avoir entendu dès l'âge de 13 ans, la missÎon divine, le port de l'habit d'homme, la rencontre avec son roi, le signe qu'elle lui aurait donné. Les interrogatoires publics sont menés avec une grande habileté par Jean Beaupère, chanoine de Beauvais et de Paris. On admire la force de caractère et l'aplomb de Jeanne qui répond du tac au tac aux savants maîtres qui l'interrogent.
On a pourtant l'impression qu'elle ne mesure pas vraiment l'enjeu et qu'elle n'imagine pas que ce procès peut la mener à une mort Ignominieuse. La seconde phase, le procès ordinaire, s'ouvre le 26 mars 1431. Le promoteur, Jean d'Estivet, a été chargé de rédiger un "réquisitoire" qui prend la forme d'un texte en 70 articles.
Procès |
Les 70 articles font usage de tous les moyens pour accabler Jeanne, y compris les plus grossiers: ils sont le reflet du tempérament de leur rédacteur, Jean d'Estivet. Pierre Cauchon était peut-être d'accord sur le fond, mais désapprouvait certainement la forme, lui qui voulait un procès exemplaire. Toujours est-il que ces 7O articles sont rapidement laissés de côté, pour laisser place aux 12 articles.
Les 12 articles sont rédigés de façon beaucoup plus habile. Dès le premier, on aborde l'essentiel. "Une certaine femme" affirme avoir vu lui apparaître les anges saint Michel et saint Gabriel, puis les saintes Catherine et Marguerite. Les saintes lui ont dit qu'elle devait, sur ordre de Dieu, aller trouver "un prince du siècle" qui, grâce à elle, remporterait la "victoire sur ses adversaires". De plus, les saintes lui conunandèrent de porter l'habit d'homme. Cette femme se dit envoyée par Dieu, mais refuse d'obéir à l'Église militante.
Ces articles sont soumis à de nombreux clercs, choisis parmi les plus savants: 22 théologiens de Rouen, deux évêques, Philibert de Montjeu, de Coutances, et Zanon de Castiglione, de Bayeux, et surtout les maîtres de l'université de Paris. Avec quelques nuances, tous les avis convergent: Jeanne est schismatique, apostate, devineresse, elle erre dans la foi, elle est "véhémentement suspecte d'hérésie". Un certain nombre de docteurs recommandent cependant qu'elle soit "exhortée charitablement", pour la faire renoncer à ses erreurs. Pierre Cauchon suit leur avis et l'accusée est "admonestée" deux fois, le 18 avril, dans sa prison, et le 2 mai, au cours d'une séance solennelle. Le 9 mai, elle est conduite dans la grosse tour du château, où se trouve les instuments de torture. Mais les assesseurs présents refusent qu'elle soit torturée (par 9 voix contre 3).
LA SENTENCE
Le jeudi 24 mai 1431, Jeanne est conduite au cimetière de Saint-Ouen, pour le prononcé de la sentence, en présence d'une foule nombreuse. À la surprise générale, elle interrompt la leeture de la sentence et accepte d'abjurer "ses erreurs" Elle n'est donc condamnée qu'à la prison perpétuele. On lui coupe les cheveux (coiffés jusque-là à la mode masculine) et on l'habille d'une robe.
Et pourtant, on la reconduit dans sa prison du château, sous la garde de soldats anglais. Que s'est-il passé entre le jeudi et le dimanche? On ne le sait. En tout cas, le lundi 28 mai, les juges se rendent dans la prison et constatent que Jeanne a repris l'habit d'homme. C'est le signe qu'elle est revenue sur son abjuration. Interrogée, elle refuse à nouveau de se soumettre à l'Église (représentée par les juges). Elle est donc désormais une "hérétique relapse" et ne peut plus échapper a la mort ignominieuse sur le bûcher.
Le mercredi 3O mai, Jeanne est "abandonnée ou bras séculier" et brûlée publiquement sur la place du Vieux Marché de Rouen. Cependant, tout n'était pas terminé. Huit jours plus tard , Pierre Cauchon réunit sept assesseurs qui avaient assisté aux derniers moments de Jeanne dans la prison. Interrogés sous serment, ils dirent que Jeanne avait finalement émis des doutes. Elle décrivait ses voix sous la forme de très pctites choses, qui se manifestaient au son des cloches.
Elle reconnaissait que ses voix l'avaient déçue et ne savait plus s'il s'agissait de bons ou de mauvais esprits. Cette nouvelle "abjuration" ne pouvait pas lui permettre de sauverson corps, mais pour les juges, elle avait encore la possibilité de sauver son âme. On l'autorisa donc à se confesser et communier, des mains de frére Martin Ladvenu, dominicain. Cette onformation posthume ne fut pas signée par les notaires, qui n'étaient pas présents. Elle a donc ét[e constestée par de nombreux historiens (notamment catholiques) et portant, il's s'agit très probablement d'un document authentique. En tout cas, elle fut largement exploitée par les autorités anglaises. Pour ces dernières, Jeanne avait finalement reconnu ses erreurs: elle était discréditée, de même que le roi Charles VII, qui l'avait soutenue. De leur point de vue de Pierre Cauchon, le procès avait débouché sur un succès politique, qui fut largement exploité.
Par François Neveux dans le revue bimestrielle "Archéothéma", France, série n.6, août 2012, p.29-31. Dactylographiée, édité et adapté pour être posté par Leopoldo Costa.
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