8.27.2012

RICHESSES DE LA CIVILISATION FRANÇAISE


La France est alors le pays d’Europe le plus puissant et le plus peuplé. Il s’y développe une riche civilisation que l’on retrouve, à quelques différences près, dans les États voisins. Cette civilisation s’épanouit au travers:
*. de la société;
*. de la vie économique;
*. de la vie culturelle et artistique.

La société au Moyen Âge

Pour répondre aux problèmes posés par la diversité des peuples, le rétablissement de la paix, l’absence de centralisation du pouvoir, la société se partage en groupes différents, mais au rôle précis:
*. les chevaliers;
*. les paysans;
*. les commerçants et artisans ;
*. le clergé.
De l’an 800 jusqu’au milieu du XIVe siècle, cette société féodale se retrouve partout en Europe et marque son dynamisme par une évolution constante.

Les chevaliers et les nobles

L’insécurité et la nécessité de se défendre localement ont entraîné la création d’un système original : la féodalité. À l’origine, les rois carolingiens remerciaient de leur aide les fonctionnaires et les chefs militaires en leur conférant:
*. un titre: duc, comte, etc.;
*. un domaine foncier dont ils avaient la charge, mais pas la propriété. En échange de ces domaines appelés «fiefs», les grands seigneurs juraient aide et fidélité au roi, leur suzerain suprême, dont ils devenaient les vassaux. Ils s’engageaient, aussi, à protéger et administrer les terres concédées.
La pyramide féodale s’organise ainsi:
*. au sommet, le roi;
*. au milieu, une hiérarchie de seigneurs souvent apparentés au monarque ; chaque vassal ayant la possibilité de diriger plusieurs vassaux dont il est alors le suzerain immédiat;
*. à la base, les chevaliers.
La chevalerie est à l’origine de l’aristocratie dans toute l’Europe. L’étude des armoiries, emblèmes des familles nobles, est une source de renseignements historiques. Le système se perfectionna, précisant à chacun ses droits et ses devoirs. Le suzerain doit au vassal:
*. la rémunération de ses services par l’octroi d’un fief qui le nourrira, lui et sa famille;
*. la protection militaire et juridique.
Le vassal doit au suzerain:
*. la fidélité (sinon il est félon, traître);
*. l’aide militaire ou service d’Ost;
*. l’aide juridique dans les jugements;
*. l’aide financière, ou aide aux quatre cas, soit:
– pour libérer un suzerain prisonnier, en participant à la rançon,
– lorsque le fils du suzerain est armé chevalier,
– pour le mariage de sa fille aînée,
– pour partir en croisade.
Le droit de relief est la somme versée par le vassal au fils d’un suzerain décédé. L’investiture est la cérémonie, au cours de laquelle un vassal se recommande à un suzerain. En présence de membres du clergé, le vassal rend à son supérieur, et à genoux, l’hommage qu’il lui doit. Le chevalier peut succéder à son père. Pour cela il commence son éducation militaire à 7 ans. Puis, vers 14 ans, il devient écuyer d’un seigneur. À 18 ans, il reçoit son armement au cours d’une cérémonie appelée l’adoubement. Il peut alors appartenir à son tour à cette élite militaire qui deviendra peu à peu la noblesse. Les armures des chevaliers sont imposantes. Les musées nationaux ou régionaux en possèdent souvent. L’armure comprend:
*. le heaume, casque protégeant le visage ;
*. le haubert, lourde cotte de mailles de fer (anneaux puis écailles ou plaques) protégeant le corps, parfois jusqu’aux genoux ; elle peut peser jusqu’à 10 kg;
*. les jambières métalliques, articulées aux genoux et se terminant par des brodequins;
*. des gantelets pour les mains;
*. un écu ou bouclier de bois puis de métal, décoré aux armoiries du chevalier.
L’armement se compose essentiellement:
*. d’une lourde épée retenue à la taille par un baudrier;
*. d’une lance longue (2 à 4 m), difficile à manier. Le chevalier, en temps de paix, s’entraîne dans les tournois, monté sur son « destrier » (cheval) ; en période de guerre, un chevalier désarçonné ne peut se relever sans l’aide de son écuyer.
Le château fort est à la fois:
*. la forteresse protectrice des paysans proches;
*. le lieu de vie du seigneur.
Construit sur un site défensif, motte, butte ou escarpement rocheux, il comprend, de l’extérieur vers l’intérieur:
*. un fossé, la douve, rempli d’eau ;
*. une muraille ou courtine formant un rempart de plusieurs mètres (parfois 8 m) d’épaisseur, elle est construite sur un remblai et porte à son sommet un chemin de ronde protégé par des créneaux;
*. des tours d’angle, percées d’étroites meurtrières d’où les archers visent leurs ennemis, tout en profitant de leur abri.
À leur sommet, une galerie en saillie appelée mâchicoulis possède un plancher percé d’ouvertures, permettant de jeter sur les assaillants des blocs de pierre, de l’huile bouillante ou de la poix fondue (résine des pins et sapins);
*. l’unique entrée du château, la poterne, est défendue par d’épaisses portes de bois précédées d’une herse ou grille métallique que des poulies peuvent relever ou abaisser;
*. un pont-levis isole encore mieux le château, si nécessaire;
*. l’intérieur assez vaste peut abriter les hommes, les animaux, les ateliers de travail indispensables à certains métiers, les réserves de nourriture et d’armes, le puits qui assure l’approvisionnement en eau;
*. le donjon en est le dernier abri et la résidence du seigneur et de sa famille;
*. les murs en sont hauts, crénelés au sommet, épais, percés de rares ouvertures.

Mais le château est un lieu de vie malgré son inconfort; des cheminées chauffent, éclairant de leurs feux des pièces sobrement meublées. Les banquets réunissent la famille, les amis, et les produits de la chasse enrichissent des menus compliqués. Les repas peuvent être entrecoupés de spectacles (bouffons, jongleurs, montreurs d’ours…) et les veillées s’organisent autour de poètes, musiciens, conteurs itinérants appelés troubadours, trouvères ou ménestrels.
La chasse aux faucons, dressés à capturer des proies de petite taille (lapins), est réservée aux seigneurs les plus riches. Cet art si difficile se développe à nouveau dans notre Europe du XXIe siècle. Les châteaux forts et les sites fortifiés font partie du patrimoine national. Il en reste en France moins d’un millier sur les presque trente mille construits à l’origine. Encore beaucoup sont-ils réduits à l’état de ruines, que hantent encore des fantômes mémorables! Les plus visités sont, pour notre pays :
*. le Haut-Koenigsbourg en Alsace ;
*. le Louvre (fondations) de Philippe-Auguste ;
*. Pierrefonds, merveilleusement restauré dans la région parisienne;
*. Foix, Salses, Montségur en Midi-Pyrénées ;
*. château Gaillard, Caen, Gisors en Normandie ;
*. Angers, Loches, La Rochelle dans l’Ouest;
*. ajoutons les cités fortifiées d’Avignon, Carcassonne, Tarascon, Aigues-Mortes…

Les paysans ou vilains

Ils forment 90 % de la société féodale, et leur rôle consiste à nourrir aussi bien les seigneurs qui les protègent, que le clergé, aux charges sociales multiples. Ils dépendent totalement de leurs maîtres. Les plus pauvres et les moins libres s’appellent les serfs. Tous doivent au seigneur:
*. des jours de corvées pour l’entretien des bâtiments, des chemins, des cultures ;
*. des redevances en espèces, le cens, ou en nature, le champart;
*. des banalités pour utiliser le four, le moulin, le pressoir, que seul le seigneur peut posséder.
Leur vie quotidienne s’égrène au rythme solaire. Le répit hivernal permet les longues veillées près de la cheminée. Ainsi se développe la tradition orale qui mêle souvenirs, expériences ou histoires de fées et de loups-garous. Le vêtement simple, de tissu grossier, se compose d’une tunique effleurant les genoux, de chausses et d’une cape à capuchon.
Les repas, frugaux, alternent des soupes, des bouillies, des galettes de céréales, des laitages, y ajoutant si possible du pain de seigle, rarement de la viande, parfois un peu de vin léger ou du cidre. La maison se compose d’une pièce unique, au sol battu, abritant aussi un peu de bétail ; les murs sont en torchis (boue mêlée à de la paille et du bois). L’ameublement, plus que sommaire, comprend le lit recouvert de paille servant de matelas et de couverture, une table, un banc, le coffre à linge étant l’unique vrai meuble. Mais si la natalité restait forte, un enfant sur deux mourait avant l’âge d’un an, et un sur deux encore avant sa vingtième année. Lorsqu’ils survivaient, leur subsistance posait des problèmes, surtout en période de disette. La légende populaire du Petit Poucet prit sans doute naissance dans ce contexte!

Les artisans

La recherche d’un métier fut la conséquence de l’accroissement de la population. L’agriculture ne nourrissait plus des familles entières malgré les défrichements ; l’artisanat rural ou urbain se développa en relation avec l’agriculture (charron, maréchal-ferrand, tonnelier, ferronnier) ou avec la vie quotidienne (tisserand, drapier, cordonnier…). À Paris, sous saint Louis, on comptait près de cent métiers différents. En ville, grâce au renouveau commercial, les métiers permettent de s’enrichir. Ils s’organisent en corporations de même activité, régis par un statut collectif ; ils défendent ainsi la qualité de leur travail. Les corporations se doublent de confréries religieuses possédant leur saint patron, par exemple:
*. saint Joseph pour les charpentiers ;
*. saint Éloi pour les orfèvres et ferronniers ;
*. saint Crépin pour les cordonniers ;
*. sainte Anne pour les dentellières.
Au sommet de la hiérarchie des métiers se situent les maîtres, qui ont subi avec succès la création du chef-d’oeuvre, sorte d’examen pratique, et ont payé au roi un droit d’entrée dans la corporation. Au-dessous, les compagnons, déjà qualifiés, perfectionnent leurs qualités d’exécution. Ils peuvent soit rester salariés d’un maître, soit réaliser un chef-d’oeuvre, passeport pour la maîtrise. Cela leur coûte très cher et, en période de crise, les admissions sont limitées. Les fils de maître ont plus de chances d’être acceptés. Les apprentis sont les débutants.

Le clergé et la vie religieuse

Le clergé forme un groupe social important. Mais sa puissance provient essentiellement:
*. de son influence sur les esprits, car la foi est intense;
*. de son instruction, renforcée par la connaissance du latin;
*. de sa richesse, fruit des donations, de la dîme paroissiale, des héritages personnels. Les trésors des cathédrales, que l’on peut apprécier au cours de visites culturelles, mettent en évidence cette richesse au travers d’objets de culte réalisés en métaux précieux, ou de vêtements sacerdotaux superbement brodés.Le clergé séculier regroupe les prêtres, curés des paroisses, au contact du monde, du siècle. Le clergé régulier, vivant suivant une règle, est celui (masculin ou féminin) des monastères et des abbayes. L’Église, force religieuse et politique, exerce un rôle social important. En cette rude période féodale elle s’efforce surtout d’adoucir les moeurs. Ainsi:
*. la veillée d’armes du chevalier devient une veillée de prières au cours de laquelle le puissant chevalier promet de se mettre au service de Dieu, de la justice et de son prochain;
*. la trêve de Dieu limite les dégâts en vies humaines en interdisant les combats entre seigneurs du jeudi au dimanche (en mémoire de la passion du Christ) ;
*. le droit d’asile dans les églises et les monastères évite souvent une justice expéditive.
L’Église connaît aussi des difficultés morales car sa richesse a entraîné le recul de l’esprit de charité et de sacrifice, l’autorité pontificale n’est pas toujours respectée. C’est pourquoi une réaction pparaît et des réformes sont entreprises. Des papes comme Léon IX et Grégoire VII surtout menèrent des réformes. Ce dernier laisse son nom à la réforme grégorienne qui précise les points suivants:
*. le pape ne peut être élu que par les cardinaux, sans intervention royale;
*. le pape peut réunir les prélats en conciles pour régler avec eux les problèmes d’ordre religieux;
*. les légats du pape sont des diplomates en relation avec les monarques;
*. les membres du clergé ne peuvent pas être nommés par des laïcs, si puissants soient-ils.
Henri IV d’Allemagne, Frédéric Barberousse et Frédéric II de Prusse refuseront ces décisions, puis se soumettront pour éviter l’excommunication papale qui, les plaçant hors de l’Église, leur aurait retiré toute autorité sur leur peuple. Des ordres religieux sont créés, pour redonner à l’Église son idéal de pauvreté et de service d’autrui. Dès le VIe siècle, saint Benoît de Nursie fonde les bénédictins. Au XIe siècle, saint Bruno crée les chartreux, et peu après saint Bernard réforme l’ordre bénédictin tombé en décadence (à partir des abbayes de Cîteaux et Clairvaux). Puis au XIIIe siècle, saint François d’Assise crée l’ordre des franciscains et saint Dominique celui des dominicains: en raison de leur mode de vie, ils furent appelés des «ordres mendiants».
La crise la plus sérieuse de l’Église fut causée en 1302 par l’installation en Avignon du pape Clément V, originaire de Bordeaux et non d’Italie comme le voulait la tradition. Après lui, six autres papes en firent la nouvelle capitale de la chrétienté et y construisirent leur palais-forteresse, luxueusement décoré. Il en résulta un schisme, ou scission des chrétiens, et la nomination parallèle de plusieurs papes. Au total, de 1305 à 1417, dix papes y résidèrent, avant que l’unité religieuse fût rétablie et que la cité papale fût abandonnée au patrimoine artistique français.

La vie économique

Elle déroule ses activités dans les villages et dans les villes, dont les limites cèdent sous la poussée démographique.

Les villages

À l’origine, ils dépendaient, pour leur protection, d’une seigneurie et de son château, près duquel ils se blottissaient. L’église, toujours belle, en marquait le centre. Elle s’encadrait d’un côté par le cimetière, et de l’autre par la place ombragée. De ce centre rayonnaient les rues puis les routes. Des calvaires au Christ en croix marquaient les limites administratives du village. Les maisons plus ou moins importantes et leurs jardins potagers formaient les tenures. Les terres labourables, les prairies, les bois composaient le terroir agricole au-delà duquel il fallait défricher. Deux formes d’exploitation des terres apparaissent : l’exploitation communautaire et l’exploitation individuelle. Elles tiennent compte pour ce choix du relief, de la qualité des sols, du climat, de la présence de l’eau et même des mentalités locales.

L’exploitation communautaire

Pratiquée dans les grandes plaines agricoles de l’Europe du Nord et du Nord-Ouest, elle favorise le partage du finage (terres cultivables du village) en plusieurs parties ou soles. Chaque sole est cultivée à tour de rôle pour éviter l’épuisement de la terre. La jachère est la période de repos d’une sole. Les troupeaux regroupés qui y paissent y ajoutent leur engrais naturel (fumier). D’abord biennale (un an sur deux), la jachère devient triennale, gros avantage permettant d’accroître les ressources. La rotation des cultures alterne sur chaque sole : jachère, céréale riche (blé), céréale pauvre (seigle, avoine). Chaque année donc, le village dispose de ces trois ressources. Pour faciliter les tâches communautaires sur chaque sole, les haies et les clôtures sont supprimées. Il en résulte un paysage de champs ouverts, appelé aussi «champagne» ou «campagne». Les paysages ruraux actuels refl ètent cette évolution.

L’exploitation individuelle

L’exploitation individuelle répond à d’autres critères:
*. sols discontinus, en raison du relief ;
*. présence de l’eau partout (pluviosité ou sols imperméables) ;
*. polyculture nourricière.
Le paysage est alors celui du bocage marqué par des champs entourés de haies vives de végétation. Chaque exploitant choisit ses cultures ; l’habitat tend à se disperser, les travaux agricoles utilisent des instruments simples : faucilles, faux, pelles, fourches, scies, râteaux, herses. La charrue remplace peu à peu l’araire et permet des labours plus profonds. Le collier d’épaule (et non plus de cou), pour les chevaux, et le joug, pour les boeufs, permettent à l’animal de tirer des charges plus fortes. Les moulins à eau ou à vent, suivant les régions, utilisent dès le IXe siècle des forces naturelles. Quantité de métiers dépendant de l’agriculture apparaissent ou se développent (charron, maréchal-ferrand, tonnelier…). La toponymie ou étude des noms de villages, hameaux, lieuxdits, nous renseigne sur l’évolution, parfois très ancienne, de nos villages d’aujourd’hui.

Les villes


Elles naissent à l’origine de l’accroissement de bourgs, gros villages de 2 000 habitants environ. Leurs habitants sont les bourgeois, le terme ne prenant que plus tard une connotation sociale. Les faubourgs sont les zones d’extension de la ville au-delà des remparts. À l’intérieur, les rues sont étroites et entourées de maisons à étages, juxtaposées les unes à côté des autres. L’église la plus vaste peut devenir cathédrale si un évêque en à la charge. Les façons de vivre et les activités citadines diffèrent peu de celles des villageois. Le soir, le couvre-feu replie chacun chez soi, et les braises doivent être éteintes pour éviter les incendies de maisons le plus souvent encore en bois. Les puits et fontaines restent indispensables. Mais l’artisanat et le commerce s’y développent intensément, enrichissant les plus habiles. La campagne environnante nourrit la ville (légumes, produits laitiers, fruits, volaille, vigne). Par un juste retour des choses, elle s’enrichit aussi.
Peu à peu, les villes veulent s’affranchir de la tutelle des seigneurs et des charges financières qu’ils leur imposent. Elles demandent des libertés et le droit de s’organiser par elles-mêmes. Ce sont les franchises inscrites dans des chartes, qui les délient de leur soumission aux seigneurs et en font des villefranches. Dès lors indépendantes, les villes doivent se défendre et s’administrer. Elles s’entourent de remparts, construisent un beffroi qui domine la ville et ses alentours. Des halles peuvent abriter les riches marchands, des échoppes regroupent par rues et par affinités les petits métiers ; les tavernes sont des lieux de rencontres. Les villes nomment leurs dirigeants, appelés suivant les régions: maires, échevins, bourgmestres, consuls… Au XIIIe siècle, la plupart des villes dépassent 10 000 habitants. Mais, Cologne, Londres comptent environ 40 000 habitants ; Bruges, Gand ont environ 50 000 habitants. Florence, Milan, Venise surtout totalisent de 100 000 à 200 000 habitants. Paris, avec ses 200 000 habitants au moins, est la ville la plus peuplée d’Europe.

Par Éliane Lopez dans le livre "L’Histoire des Civilisations", Groupe Eyrolles, Paris,2008, p.204-214. Édité et adapté pour être posté par Leopoldo Costa.






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