5.28.2016

ALIMENTS BIO - LA RÉVOLUTION DANS LES ASSIETES



Pour des motifs éthiques ou de santé, de plus en plus de Français délaissent la viande ou optent pour le bio ou le sans-gluten.

Adieu veau, vache, cochon… et peutêtre couvée! Hier encore marginal, le végétarisme — et dans une moindre mesure le végétalisme — gagne d’année en année du terrain. Si l’Hexagone ne compte que 2 à 3 % d’adeptes déclarés, 10 % des Français se disent désormais prêts à sauter le pas tandis que 30 % se verraient bien opter pour la version « flexitariste » en limitant leur consommation de chair animale et en privilégiant une viande "bien élevée" dans des conditions plus "dignes" pour l’animal. Entachée par les scandales alimentaires et les cas récents de maltraitance animale, la viande se retrouve en effet de plus en plus sous le feu des critiques. Une tendance européenne, si l’on en juge par la décision du restaurant danois Noma — classé parmi les "meilleurs du monde" — de proposer désormais une carte exclusivement végétarienne durant la moitié de l’année. Parmi les motivations qui poussent certains à modifier leur régime alimentaire figure donc aussi le bien-être animal. Un nombre restreint — mais là aussi croissant — de consommateurs se tourne ainsi vers le choix plus radical du véganisme qui exclut tous les produits d’origine animale, y compris dans l’habillement et les loisirs. Exemple avec plus de 7500 visiteurs lors de la première édition du salon Veggie World qui s’est tenue à Paris en avril. Cette tendance du "manger mieux et plus sainement" tire également à la hausse les produits "bio" avec une croissance de 15 % en un an en France. Et aussi ceux estampillés "sans gluten", qui séduisent aujourd’hui un public bien plus large que les seuls malades coeliaques ayant l’obligation de supprimer cet ensemble de protéines de leur alimentation. État des lieux des tendances alimentaires du moment.

Le bio est-il meilleur pour la santé?

Une méta-analyse, parue en 2014 dans le British Journal of Nutrition sur la base de 343 études originales, a établi que les produits de grandes cultures issus de l’agriculture biologique, notamment les céréales, contiennent quatre fois moins de pesticides et moins de cadmium — un métal lourd toxique — que ceux issus de l’agriculture conventionnelle. "Des travaux montrent que les urines des personnes adoptant une alimentation “bio” contiennent jusqu’à 10 fois moins de résidus de pesticides. Parallèlement, certains d’entre eux commencent à établir un lien entre l’exposition à ces résidus et le surpoids", précise Denis Lairon, directeur de recherche à l’Inserm. Au cours des trente dernières années, la recherche a déjà établi un lien entre exposition aux pesticides et maladie de Parkinson et cancer de la prostate. Ce lien existe également avec certains cancers hématologiques survenant non seulement chez les agriculteurs mais aussi chez leurs enfants et les populations rurales pourtant non exposées professionnellement.

Le bio est-il une garantie d’alimentation équilibrée?

L’étude française BioNutriNet (2013) a examiné l’attitude et la fréquence de consommation d’aliments "bio" de 50 000 adultes. Selon ses résultats, cette alimentation spécifique fournit les mêmes apports caloriques moyens qu’une alimentation conventionnelle, mais ses adeptes sont plus proches des recommandations nutritionnelles. En effet, ils consomment plus de fruits (+31 % chez les femmes ; +20 % chez les hommes), de légumes (+27 % pour les deux sexes), de légumes secs, de fruits à coque ou encore de céréales complètes. À l’inverse, ils consomment moins de charcuterie, de sodas et d’alcool. Conséquences de cette alimentation plus saine : des apports plus importants en nutriments d’intérêt, comme les vitamines et les minéraux (+10 à +20 %), d’acides gras oméga 3 (+20 %) ou encore de fibres (+27 %). Mais tous les produits estampillés "bio" ne sont pas sains pour autant car les labels bio, qu’ils soient officiels français (AB), européens ou privés (Demeter, Bio Cohérence...), ne garantissent pas la qualité nutritionnelle des aliments. Leurs cahiers des charges stipulent qu’au moins 95 % des ingrédients des produits bio sont issus de l’agriculture biologique, et dans le cas des produits et sous-produits animaux, que les animaux sont "principalement" nourris avec des aliments bio. Ils limitent également la liste des additifs autorisés à 48 (moins pour certains labels privés) contre plus de 320 dans l’alimentation conventionnelle. En revanche, libre au fabricant de concocter la recette de son choix avec ces ingrédients, aussi grasse, salée, ou sucrée soit-elle.

Le bio respecte-t-il le bien-être animal?

Le label garantit globalement de meilleures conditions d’élevage. Ainsi dans le cas des poules pondeuses, il impose un maximum de 6 volatiles au mètre carré, contre 9 en élevage plein air et 13 en élevage en batterie. Dans le cas des porcs, l’espace de vie pour chaque animal doit être de 2,5 m2 avec un accès à l’extérieur contre 0,65 m2 sur caillebotis. En revanche, le label ne garantit pas grand-chose en matière d’abattage, sinon l’interdiction de l’utilisation de simulateurs électriques pour étourdir l’animal.

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DÉFINITIONS

Végétarien

Ne mange volontairement pas de chair animale (viande, poisson, fruits de mer) et consomme uniquement des aliments dont l’obtention n’entraîne pas la mort de l’animal (oeufs, lait, produits laitiers, miel). Les "pesco-végétariens".
mangent du poisson.

Flexitarien (semi-végétarien)

Limite les quantités de viande consommées et privilégie des modes de production et d’élevage plus respectueux de l’animal et de l’environnement.

Végétalien

Ne mange aucune chair animale (viandes, poissons, fruits de mer), ni aucun sous-produit (produits laitiers, miel, gélatine).

Végane

Ne consomme aucun produit et ne porte aucun vêtement ou accessoire d’origine animale (cuir, laine, soie) ; refuse toute activité en rapport avec l’exploitation animale (équitation, zoos, corrida) ; bannit tous les produits testés sur des animaux (médicaments, cosmétiques...).

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MÉTA-ANALYSES

En 2003, un rapport publié par l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) concluait à l’absence d’une différence nutritionnelle entre les produits alimentaires biologiques et ceux issus de l’agriculture conventionnelle. Treize ans plus tard, les résultats des études sont plus nuancés mais demeurent contrastés selon les principales méta-analyses publiées ces cinq dernières années. Points positifs : le taux d’antioxydants est plus élevé dans les fruits, légumes et céréales bio, tout comme celui de « bons » acides gras polyinsaturés dans les produits laitiers et les oeufs bio. Mais aucune différence significative n’a pu être trouvée entre le bio et le conventionnel en ce qui concerne les vitamines et minéraux. Seules les quantités de fruits et de légumes consommées font la différence, pas leur qualité.

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Le vin bio est-il exempt de tout soupçon?

Sans pesticides, sans engrais, sans OGM... c’est ce qu’impose la réglementation européenne aux vins pour obtenir le label Agriculture biologique (AB). Plus de 35 % des Français déclarent aujourd’hui en consommer. Pourtant, certains de ces vins sont tout de même contaminés par des traces de pesticides comme l’a montré une enquête du magazine Que Choisir en 2013. La question de la valeur du label se pose donc, tout particulièrement en France, quatrième consommateur de pesticides au monde et premier en Europe. Alors que des études établissent un lien entre l’exposition aux pesticides et le développement de cancers et de maladies neurodégénératives, des viticulteurs choisissent de s’imposer des règles plus strictes, comme celles de la biodynamie ou de l’association des vins naturels avec des logos tels que Demeter ou AVN.

Outre les engagements "bio", ils prônent un processus de vinification sans additifs chimiques, et notamment sans sulfites. En 2011, l’Anses avait en effet révélé que 3 % des Français dépassait la dose journalière autorisé de sulfites, pointant clairement la consommation de vin. Un chiffre inquiétant car des études ont démontré que ces composés chimiques peuvent provoquer des manifestations d’intolérance, voire des réactions graves chez les individus sensibles comme les asthmatiques. (lire la suite de notre enquête sur le vin bio sur notre site). (Cécile Coumeau)

Par Marie-Noëlle Delaby et Sylvie Rioua-Milliot avec Cécile Coumeau dans "Sciences et Avenir", n. 832, juin 2016, Paris, pp.30-33.  Dactylographié et adapté pour être posté par Leopoldo Costa.

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