3.24.2017

NOUGAT


Friandise à base de fruits secs – noix ou amandes – et de sucre ou de miel. Traditionnellement, il se déguste tel, mais il peut participer à des entremets ou des pièces montées. Il peut aussi constituer le fourrage des bonbons de chocolat ou des barres chocolatées. Le nougat utilisé comme intérieur des bonbons de chocolat doit être plus onctueux que celui consommé en friandise spécifique. — En Allemagne, le terme nougat désigne le praliné. — Conserve de nougat. — Crème de nougat : produit de confiserie destiné à être consommé sous forme de pâte à tartiner, à entrer dans la confection de glaces ou à participer au fourrage de biscuits, barres chocolatées, etc. — Nougat blanc de Montélimar : — Nougat de Paris, vx : nougat fabriqué comme le nougat blanc, mais avec des ingrédients de moindre qualité. C’est celui qu’on trouvait dans les fêtes foraines. — Nougat de Tours : gâteau constitué d’un fond de pâte sucrée, de confiture d’alberges, de fruits confits et d’une macaronade d’amandes, spécialité de Tours (Indre-et-Loire). La Confrérie gourmande du nougat de Tours et autres pourlècheries tourangelles s’est fixé pour objectif de défendre et de promouvoir cette douceur traditionnelle. Son chapitre se tient en mars. — Nougat glacé : entremets glacé à base de pâte à nougat. — Nougat rose, vx : nougat fabriqué comme le nougat blanc, mais pour lequel le miel était, avant cuisson, coloré en rose avec du carmin. — Pâte de nougat : produit de confiserie constitué d’une pâte de base aérée, « nougats à pâte aérée ») et d’une garniture composée d’un ou plusieurs ingrédients autorisés, représentant, en poids, moins de 15 % du produit fini – pourcentage réduit à 5 % lorsque la garniture comporte exclusivement des céréales soufflées.

Aux sources du nougat.

Le nougat est une des grandes friandises populaires traditionnelles, à l’instar des pralines et de la pâte de guimauve. Il est présent dans les chansons de l’enfance. Il participe à la tenue vestimentaire de monsieur Gimblette dans la comptine Dame Tartine (milieu XIXe s.) :

Son chapeau était de galette
Son habit était de vol-au-vent,
Culotte en nougat,
Gilet de chocolat,
Bas de caramel,
Et souliers de miel.

Il est omniprésent dans les baraques coloriées des fêtes foraines et participe à bien des festivités gourmandes, en intervenant, par exemple, dans la coutume provençale des treize desserts de Noël (voir ci-dessous) ou, à Pâques, en adoptant la forme rituelle de l’œuf. Comme l’indique Arnold Van Gennep, à propos du Folkore du Dauphiné, à Noël, la distribution des morceaux de nougat se faisait naguère comme celle du gâteau des Rois : un enfant désignait le destinataire de chacun des morceaux, de taille très inégale, dissimulés sous un linge.

Paradoxalement, le nougat demeure méconnu quant aux premiers temps de son histoire. Son nom lui vient du latin (du bas latin nucatum, « préparation à la noix », du lat. pop. nuca, dér. du lat. class. nux, « noix »), bien que d’aucuns préfèrent le faire dériver du terme grec nôgalon, qui signifiait « friandise ». Cela laisse supposer que, dès l’Antiquité, on fabriquait du nougat dans le bassin méditerranéen, du moins un gâteau au miel et aux noix qui allait être son ancêtre. On pense que la colonie grecque de l’ancienne Massilia (Marseille) connaissait cette friandise. Nogas, nogat, nouga… L’orthographe varia jusqu’à ce que le dictionnaire de l’Académie officialisât le nougat en 1762. En 1766, Lefranc de Pompignan mentionne « le fameux nougat d’Apt », dont il précise que « ce mets tant soit peu dur, qu’embaume la pistache, pour en pouvoir goûter nécessite une hache ». La notion de gâteau devait perdurer. Ainsi le Larousse du XIXe siècle définit-il le nougat comme une « sorte de gâteau fait de noix ou d’amandes brûlées et de caramel ou de miel ».

Mais saura-t-on jamais qui eut l’idée de cette friandise ? Seule certitude : la France la connaît depuis le Moyen Âge. Au XVIIIe siècle, le DAF définit le nougat comme une « espèce de gâteau fait d’amandes ou de noix au caramel » et précise que le mot « n’a point de pluriel ». Marseille en détint longtemps le monopole de la fabrication – au milieu du XIXe siècle, son « nougat blanc », confectionné en septembre, était encore très recherché ; il est alors « composé de filets d’amandes douces et de pistaches mondées qu’on a fait cuire avec du miel de Narbonne, et à qui l’ébullition continue fait acquérir une consistance assez ferme pour approcher de la compacité. Le nougat blanc se coupe en tranches et se mange au dessert » (DGCF). Mais, à la suite de l’expérience menée, au XVIe siècle, par l’illustre agronome Olivier de Serres qui avait planté des amandiers dans son domaine du Pradel, près de Villeneuve-de-Berg, proche de Montélimar, la culture de l’amandier à amandes douces fut développée par les Provençaux, et l’amande remplaça alors la noix dans la composition du nougat. Ce fut le grand mérite de la production de Montélimar, qui utilisa aussi le miel de lavande du Tricastin, réputé de longue date.

La recette.

À l’origine, la pâte de nougat n’était pas aérée. La composition du nougat noir, croquant, est, de fait, la toute première recette que connut la Provence ; elle ne mettait en jeu que du miel caramélisé et des amandes non épluchées. Longtemps approximative, la formule du nougat ne devait être codifiée qu’au XVIIIe siècle, par le sieur Joseph Gilliers, chef d’office et distillateur de Sa Majesté le roi de Pologne. Ainsi le miel fut-il longtemps l’ingrédient principal du nougat, jusqu’à ce que le sucre partageât son importance. Le nougat brun, servi à l’entremets, était fait de filets d’amandes douces dorés au four et mêlés, dans un poêlon d’office, à du sucre en poudre fondu, l’appareil obtenu étant monté contre les parois d’un moule huilé, en une couche la plus fine possible. On lui donnait d’innombrables formes : temples, palais, chalets rustiques, etc. Au XIXe siècle, le « nougat marbré de la Ciottat aux pignons et aux pistaches » était apprécié au dessert.

Aujourd’hui, miel et sucre – fondus et additionnés de blancs d’œufs montés en neige – sont cuits ensemble dans un malaxeur. Le mélange, parfumé à la vanille au cours du malaxage, est ensuite stabilisé par ajout d’un sirop de sucre. Amandes et pistaches sont incorporées en fin de cuisson. La pâte obtenue est coulée dans des moules en bois tapissés de pain azyme, puis tassée et, le moulage achevé, le nougat est découpé, suivant la forme et la taille souhaitées (bloc, domino, saucisson, etc.).

C’est au niveau de la mise en jeu des ingrédients qu’intervient la réglementation. La pâte de base, dure ou tendre, aérée ou non (à l’origine, elle ne l’était pas), est constituée par les matières sucrantes autorisées ; elle peut être additionnée de miel. Sa garniture de base doit être composée, au moins, d’amandes douces d’amandier, de noisettes et de pistaches ; elle doit représenter au moins 15 % du produit fini. À celle-ci peuvent être ajoutés kernels (amandes et cerneaux de fruits à noyau), noix de pécan (aussi désignées par les vocables pécan, ou pacane), amandes de noyaux doux, pignons de pin, arachides, fruits confits, séchés ou autrement transformés, céréales soufflées, pralines, végétaux confits, graines d’anis et de coriandre. Les ingrédients qui constituent la garniture sont incorporés à la pâte entiers ou en morceaux. Enfin, les nougats peuvent comporter sur une ou plusieurs faces une mince feuille ou gaufrette constituée d’amidon et/ou de fécule, d’huile végétale et d’eau.

À partir de ces données générales, on distingue :

• Les nougats à pâte aérée. L’aération est obtenue à l’aide d’un ou plusieurs agents aérateurs tels que blanc d’œuf de poule, albumine d’œuf de poule, albumine de lait, gélatine alimentaire, etc. Au regard de la garniture autorisée (voir ci-dessus), les dénominations de vente réservées à ces produits sont « nougat » ou « nougat aux amandes, noisettes, pistaches ». Lorsque d’autres ingrédients, ajoutés à la garniture de base, représentent plus de 3 % du produit fini, ils doivent figurer dans la dénomination de vente, suivant un ordre d’importance décroissant. Si la garniture ne comporte ni amandes douces d’amandier, ni noisettes, ni pistaches – par exemple, « nougat aux noix, kernels, noix de pécan, amandes de noyaux doux, pignons de pin, arachides, fruits [confits, séchés ou autrement transformés] » –, elle constitue au moins 20 % du produit fini. Quant au « nougat primeur aux noix », qui doit être fabriqué avant le 31 décembre et vendu avant le 30 avril, sa garniture composée exclusivement de noix constitue 30 à 40 % du produit fini ; la seule substance aromatique autorisée est l’arôme naturel de vanille. Enfin, dans le « nougat au miel », autre type de nougat à pâte aérée, le miel constitue 20 % des matières sucrantes.

Le « nougat de Montélimar », qui bénéficie désormais d’une Indication géographique protégée, se caractérise par sa pâte aérée au moyen d’albumine d’œuf de poule et/ou de blanc d’œuf de poule. Le miel représente au moins, en poids de matière sèche des matières sucrantes utilisées, soit 7 % de miel de lavande produit en France, soit 25 % de miel de toutes origines. La seule substance aromatique autorisée est l’arôme naturel de vanille – au moins 0,5 g équivalent gousse par kilo de matières sucrantes. La garniture, qui représente au moins 30 % du produit fini, est composée soit uniquement d’amandes douces d’amandier émondées (30 % au moins), soit d’amandes douces d’amandier émondées (28 % au moins) et de pistaches émondées en provenance de Sicile (2 % au moins). Le pourcentage d’amandes susceptibles d’être incorporées sous forme de pralines ne doit pas dépasser 3 % du poids du produit fini.

Le « nougat blanc de Provence » se caractérise aussi par sa pâte aérée au moyen d’albumine d’œuf de poule et/ou de blanc d’œuf de poule. Le miel (exclusivement du miel de lavande produit en Provence) représente au moins 30 % des matières sucrantes utilisées. La seule substance aromatique autorisée est l’arôme naturel de vanille ou la vanille en gousse. La garniture (au minimum 35 % du produit fini) est composée exclusivement d’amandes douces d’amandier émondées d’origine méditerranéenne et/ou de pistaches.

• Les nougats à pâte non aérée. La pâte de base, de consistance dure, est composée d’un sirop de matières sucrantes, cuit et fortement caramélisé ; elle peut être additionnée de miel. Au regard de la garniture autorisée (voir ci-dessus), les dénominations de vente réservées à ces produits sont « nougat noir », « nougat rouge », « croquante » ou « nougat noir aux amandes, noisettes, pistaches ». Lorsque d’autres ingrédients, ajoutés à la garniture de base, représentent plus de 3 % du produit fini, ils doivent figurer dans la dénomination de vente, suivant un ordre d’importance décroissant. Si la garniture ne comporte ni amandes douces d’amandier, ni noisettes, ni pistaches, elle constitue au moins 20 % du produit fini.

Le « nougat noir de Provence » est fidèle au nougat des origines. Le miel (exclusivement du miel produit en Provence) représente au moins 25 % des matières sucrantes utilisées. La seule substance aromatique autorisée est l’arôme naturel de vanille ou la vanille en gousse. La garniture, composée exclusivement d’amandes douces d’amandier d’origine méditerranéenne et/ou de pistaches et/ou de graines d’anis ou de coriandre, représente au moins 50 % du produit fini.

Quant à la « croquante » (voir ce mot) ou « nougat pâtissier », sa garniture est constituée d’amandes ou de noisettes, à l’exclusion de tout autres éléments.

Le nougat blanc de Montélimar.

L’auteur de la recette du nougat de Montélimar est inconnu, mais un charmant poème anonyme fait naître la friandise de la passion d’un marmiton pour une princesse… L’histoire est jolie, tout autant que l’autre légende qui prétend situer l’origine du nougat. En effet, qui, à Montélimar, ne connaît pas l’histoire de Tante Manon, qui vivait dans cette cité à la fin du XVIIe siècle ? Ses talents en confiserie et en pâtisserie étaient très appréciés de ses neveux et nièces qu’elle avait coutume de recevoir chaque jeudi. Sa spécialité était une friandise, dont elle taisait soigneusement la recette et que les enfants accueillaient avec exubérance. « Tante Manon, tu nous gâtes », disaient-ils. Mais la vieille tante vint à mourir, léguant à la plus jeune de ses nièces, Lina, un missel qui aurait appartenu à Diane de Poitiers et qu’elle ne devait ouvrir que le jour de ses dix-huit ans. Ce qu’elle fit. Elle y découvrit, insérée au milieu des pages, une feuille portant ce texte, de la main de Tante Manon : « Ma chérie, je te lègue la recette de “Tu nous gâtes”. Garde-la jalousement jusqu’au jour béni où tu pourras la confier à l’élu de ton cœur. Pour immortaliser le cri de joie avec lequel vous accueilliez ma friandise, vous l’appellerez nougat. »

En fait, si le nougat de Montélimar semble avoir atteint, aux environs de 1650, sa meilleure composition, avec du miel, du sucre, du blanc d’œuf – destiné à aérer et blanchir la pâte – et des amandes douces, c’est au XVIIIe siècle que se fit sa renommée. Celle-ci revient au premier consul de la ville, Claude Souchon, qui, en 1701, à l’occasion du passage à Montélimar du duc de Berry et du duc de Bourgogne, offrit à chacun de ses hôtes un assortiment de friandises, parmi lesquelles un quintal (soit 47 kg) de nougat blanc. Deux gentilshommes de leur escorte – les ducs de Nohan et de Saint-Aignan – en reçurent aussi chacun 50 livres (soit 21 kg). Le XIXe siècle vit l’essor de cette production locale à travers les firmes créées, au cours du siècle précédent, par les familles de nougatiers Michel (1740) et Mège-Stoupany (vers 1780), ainsi qu’avec l’apparition de nouvelles entreprises, comme Arnaud-Soubeyran (1837). À la fin du XIXe siècle, on pouvait dénombrer neuf fabriques. Le nougat de Montélimar était alors connu à Paris. Ainsi, Alphonse Daudet mentionne-t-il souvent dans son œuvre les spécialités méridionales ; il décrit en particulier un magasin de comestibles parisien à l’enseigne Aux Produits du Midi, une boutique où l’« on se sentait à l’aise, un peu comme en foire de Beaucaire » et qui « ressemblait bien dans son pittoresque désordre à un capharnaüm improvisé et forain de produits du Midi » (Numa Roumestan), et l’écrivain n’omet pas, dans son inventaire, le déjà célèbre nougat de Montélimar : « Là-haut, sur des rayons, parmi les salaisons, les conserves aux mille flacons, aux mille boîtes de fer-blanc, les friandises spéciales à chaque ville, les coques et les barquettes de Nîmes, le nougat de Montélimar, les canissons et les biscottes d’Aix, enveloppes dorées, étiquetées, paraphées », écrit-il. La reconnaissance de la capitale était appréciable pour la carrière de tout produit régional. « Le nougat, longtemps consommé seulement en Provence et en Orient, est aujourd’hui fort connu à Paris, où l’on consomme surtout le nougat de Montélimar », confirme le Larousse du XIXe siècle.

Il fallut toutefois attendre le début du XXe siècle pour voir le nougat fabriqué par les confiseurs de Montélimar à l’occasion des fêtes de fin d’année prendre une dimension économique. Vers 1910, la production globale hebdomadaire était de 500 à 600 kg. Face à la demande, la réponse artisanale ne suffisait plus...tigation d’un pâtissier-confiseur montilien, Charles Chabert, et de son beau-frère, Henri Guillot, qui, en 1913, s’était porté acquéreur d’une affaire de nougat, La Ruche d’Or, existante depuis 1848. L’entreprise Chabert et Guillot donna à ce secteur de la confiserie un nouveau souffle. Soucieuse d’accroître sa productivité, elle fut la première, en 1928, à utiliser une machine à plier. En outre, elle visa, par une démarche commerciale novatrice, à sortir le nougat de l’univers de la fête foraine où il était, pour ainsi dire, cantonné. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Montélimar comptait quinze firmes, assurant une production quotidienne globale de 4 tonnes de nougat. L’élan était donné. À la fin des années 1960, on comptait une vingtaine de fabriques. Aujourd’hui, si le nombre de nougatiers n’a guère évolué, la production quotidienne se situe bien au-dessus des 10 tonnes par jour et est largement exportée à l’étranger.

La notoriété grandissante du nougat contribua à la multiplication des recettes et, inévitablement, à la mise en place d’une réglementation qui distingue la spécialité de Montélimar des autres nougats.

Le nougat provençal des treize desserts.

« Mets sacramentels », pour reprendre la qualification de Frédéric Mistral, les nougat noir et nougat blanc tendre comptent parmi les éléments traditionnels incontestés, voire « obligatoires », des treize desserts du Noël (voir ce nom) provençal, servis lors du gros soupa, dîner qui précède la messe de minuit et qu’accompagne la clairette36. D’ailleurs, les volées de cloches annonçant la messe de minuit étaient autrefois désignées comme la campano dou nougat, la sonnerie du nougat. L’entomologiste Jean Henri Fabre disait :

L’amelié sara sènso amelo.
Noubé, sènso nougat.
(« L’amandier sera sans amandes. Noël sans nougat. »)

Le nougat noir ou « nougat de ménage » rallie la majorité des suffrages. Confectionné à la maison – de plus en plus rarement il est vrai – à partir de miel et d’amandes, il est l’un des invités de choix de la veillée calendale. Consommé essentiellement au moment de Noël, certains artisans tiennent à lui conserver, en ce qui concerne sa fabrication, son caractère saisonnier. À Signes – un village de la région toulonnaise –, la saison commence vers la mi-septembre, après la récolte du miel, et se termine fin décembre. Des villages comme Allauch et Gardanne (Bouches-du-Rhône) ou Sault (Var) en ont fait leur renommée depuis le XIXe siècle.

Les fruits secs sont, en tout cas, omniprésents sur la table calendale. À ceux déjà cités s’ajoute une composition originale consistant à fourrer une figue avec une noix ou une amande. Frédéric Mistral appelait cela le « nougat du capucin », mais ce dessert est plus connu, dans la pratique, sous le nom de « nougat du berger » ou « nougat du pauvre ».

Le nougat a sa place dans la légende de la Bonne Dame de Noël qui parcourait les rues, en chantant les Noëls de Saboly à la gloire de Dieu, suivie par une foule de pauvres gens et de miséreux, pour beaucoup venus de la campagne pour voir la ville en fête. « Et vite alors, relate le même poète, tandis que la bûche s’éteignait peu à peu, lançant ses dernières étincelles, les braves gens rassemblés pour réveillonner ouvraient leurs fenêtres, et la noble chanteuse leur disait : “Braves gens, le bon Dieu est né, n’oubliez pas les pauvres !” Tous descendaient alors avec des corbeilles de gâteaux, et de nougats – car on aime fort le nougat dans le Midi – et ils donnaient aux pauvres le reste du festin. »

D’autres nougats.

Le miel de lavande entre dans la composition du nougat aux noix et aux pistaches de Sisteron. Le nougat noir de Perpignan allie amandes et noisettes grillées ; naguère, il prenait des formes amusantes et était décoré de perles multicolores, à l’instar des gâteaux de fête régionaux. Le nougat de Saint-Tropez, spécialité de la maison Sénéquier, est un nougat blanc comportant du miel de Provence et des pistaches mondées au lait chaud et séchées au four. La Corse aromatise son nougat à la châtaigne. Le croquignat est une sorte de nougat que les mères de famille de la région de Chavignol (Cher) confectionnaient le jour de la Sainte-Catherine (25 novembre), pour les petites filles, et à l’occasion de la Saint-Nicolas (6 décembre), pour les petits garçons.

L’Italie a son célèbre torrrone. En Sicile, la cubbàita (de l’arabe qubbayt) est un nougat très dur, comportant miel, amandes et graines de sésame (giuggiulena), et confectionné pour Noël. Le torrão est une sorte de nougat, spécialité du Portugal, alors que le turrón espagnol se décline en diverses formules. Aux États-Unis, le Divinity (aussi appelé Divinity fudge, ou Divinity candy), dont le nom se réfère sans doute à la finesse de sa saveur, s’apparente au nougat par sa composition à base de blancs d’œufs et de noisettes, voire de noix de pécan dans le Sud. La présence de sirop de maïs (corn syrup) dans ses premières recettes permet de dater son apparition des années 1905-191040. Des recettes ultérieures associent sucre brun, sirop de maïs, noisettes ou fruits confits hachés, blancs d’œufs et eau. Quant à la formule de ménage, elle consiste à verser un sirop de sucre brûlant sur des blancs d’œufs (Davidson, Oxford Companion to Food), mélange auquel certains incorporent des noisettes concassées et qu’ils parfument à la vanille. Le Divinity se présente souvent en carrés. Lorsqu’il utilise du sucre brun, il est aussi baptisé seafoam. Ce « nougat » nord-américain se rencontre au Québec sous l’appellation fudge des dieux. Lequel se confectionne généralement avec sirop de maïs, noix et essence de ratafia « amande ».

Le nougat à table.

Au XIXe siècle, par-delà son rôle de friandise, le nougat était utilisé par les chefs cuisiniers et pâtissiers, véritables artistes, pour la décoration des tables d’apparat. Coupes, corbeilles, cornes d’abondance... Certaines pièces étaient d’une grande sophistication. Lebeau, chef pâtissier sous le Consulat, réalisait d’étonnantes compositions en nougat, sucre filé et biscuit, représentant des événements célèbres de l’époque – le Passage du pont d’Arcole contribua à faire sa fortune. De son côté, le restaurateur parisien Duval s’illustra par des reproductions spectaculaires où le nougat trouvait place. Comment ne pas mentionner aussi les pièces montées d’Antonin Carême, souvent inspirées de paysages et associant pâtes diverses, nougat, fruits, etc. ? Cet usage des constructions grandioses se poursuivit à la fin du siècle avec Urbain Dubois, chef de cuisine des souverains de Prusse, ainsi qu’avec Jules Gouffé (LP).

Par ailleurs, au XIXe siècle, le nougat faisait l’objet de divers apprêts, tels les « nougats aux pistaches », « nougats à la parisienne » ou « gros nougats à la française » (MHF). Le nougat participait alors à la confection des croquembouches, à l’instar des croquignoles, des gimblettes ou des macarons. Alexandre Dumas nous informe sur ses deux présentations et sur sa consommation à son époque : « Le nougat blanc, dit de Marseille, est un composé de filets d’amandes douces et de pistaches mondées que l’on fait cuire avec du miel de Narbonne ; le nougat blanc se sert et se mange au dessert. Le nougat brun avec lequel on bâtit des temples, des dômes, des portiques, se compose de la manière suivante : vous mondez, vous lavez, vous faites égoutter sur un linge blanc 500 g d’amandes douces. Coupez chacune de ces amandes en filets, que vous ferez jaunir à un four très doux ; faites fondre sur un fourneau, dans un poêlon, 75 g de sucre pulvérisé ; quand il sera bien fondu, jetez-y vos amandes chaudes, et mêlez bien le tout ; après avoir retiré votre poêlon du feu, mettez vos amandes dans un moule essuyé et huilé ; montez-les autour du moule à l’aide d’un citron que vous appuierez sur vos amandes, elles resteraient collées à vos doigts si vous vous en serviez ; montez-le le plus mince possible, démoulez-le, dressez-le, et servez » (DC). Ce nougat brun était aussi appelé croquante. Également utilisé pour façonner de petites et grandes figures destinées à l’élaboration de compositions sucrés, le nougat à l’italienne était fabriqué à l’identique, mais avec des amandes entières ou coupées en deux.

Aujourd’hui, par-delà les raffinés nougats de dessert, certains confiseurs43 confectionnent des gâteaux de nougat. Tendres, moelleux et peu sucrés, ils se déclinent en de nombreux parfums et peuvent être rehaussés de diverses liqueurs. À cette friandise s’apparente la tarte de nougat, également de création récente et due à la Confiserie Stanislas ; elle peut être diversement parfumée (noix de coco, par ex.).

Par Annie Perrier-Robert dans "Dictionnaire de la Gourmandise", Paris, France, Robert Laffont, 2012. Adapté et illustré pour être posté par Leopoldo Costa

No comments:

Post a Comment

Thanks for your comments...