2.07.2018

QUMRÂN ET LE CHRISTIANISME



L’ambiance messianique dans laquelle baigne une partie des écrits de Qumrân a grandement favorisé l’émergence de commentateurs qui, en for¸cant le texte au besoin, les mettaient en rapport avec l’aube du christianisme (Baigent, Eisenman,... ). Le Maître de Justice a été tour à tour identifié à Jean-Baptiste (Mad. Thiering), à Jacques le Mineur (Eisenman), à d’autres encore. On a mis fin à l’heure actuelle à ces divagations. Disons d’emblée qu’aucun personnage du Nouveau Testament n’est mentionnée dans les manuscrits, aucun texte du Nouveau Testament n’y a été trouvé (le fragment 7Q5, soi-disant de l’´Evangile de saint Marc, n’est pas concluant) et ceci pour cause, la grande majorité de ces écrits datant des deux premiers siècles avant J.C.

Il reste que les premiers chrétiens avaient certainement participé au bouillonnement d’idées qui agitait la sociéeté juive de l’époque du second Temple, dont ils partageaient le même cadre culturel et historique. Ils partageaient avec les adeptes de Qumrˆan une perspective eschatologique analogue. Les deux groupes croyaient à l’imminence de la fin des temps (Naherwartung) et ils organis èrent autour de cet article de foi leurs croyances et leurs pratiques communautaires (J. C. VANDERKAM, in [8]).

Il n’est donc pas étonnant que l’on trouve dans les écrits de Qumrân et le Nouveau Testament des similitudes à la fois dans le vocabulaire et dans les pratiques rituelles et communautaires.

Similitude dans le vocabulaire:

Perfection, Voie, Chemin,
Esprit Saint,
Purification, Souillure (II Cor. 7.1)
Béatitudes (4 Q 525, Matth. 5 3-11)
Fils de Lumière (Luc 16.8)
Lumière et Ténèbres (Evangile et Epître de Jean)
En revanche, on ne trouve pas dans le Nouveau Testament le terme “Fils des Ténèbres.”

Similitude dans les pratiques rituelles et communautaires:

Repas sacré.

Le prêtre bénit le pain et le vin (1 QS VI 2-8) (Règle de la Communauté). Le prêtre bénit le pain et le vin en présence du Messie d’Israël (1 QSa=1 Q28a) (Règle messianique), cf. Matth. 26.26-29, Mc 14.22-25, Luc 21.4-23.

Chez les Esséniens ce repas a un caractère rituel, alors que chez les Chrétiens il a un caractère sacramentel liant le pain et le vin au corps et au sang du Christ. D’autre part, chez les Esséniens les femmes ne sont pas admises à ce repas, alors que chez les Chrétiens elles le sont.

Baptême, ablution. 

Chez les Esséniens l’ablution dans un Miqvéh se fait journellement et a un caractére rituel. Chez les Chrètiens, au contraire, le baptˆeme a un caractére sacramentel; il est conféré par un tiers et est lié á la rémission des péchés. D’ailleurs, à l’aube du Christianisme, les rituels baptismaux étaient très répandus en Palestine et il est donc trés difficile de tirer une quelconque conclusion des manifestations rituelles d’un seul groupe.

Communauté des biens. 

Chez les Esséniens, ceux qui entraient dans la Communauté devaient placer leurs biens dans un fonds commun. De même, les premiers Chrétiens mettaient leurs biens en commun (Act 2.4-47, 4.32-37). On ne peut tirer une quelconque conclusion de cette similitude, puisque cette fa¸con de procéder était considérée comme un idéal dans de nombreux groupements (par exemple les Thérapeutes d’Egypte d´ecrits par Philon).

Charité. 

Les Esséniens prêchent la charité envers leurs frères, mais vouent une haine éternelle aux fils de perdition (1 QS IX 21-22). On ne perçoit pas non plus chez eux le moindre sens du pardon (4 Q 286-287, Frag. 3, col. 2, ligne 10, EISENMAN p. 282). Les Chrétiens, en revanche, prêchent la charité universelle (Matth. 5.43-44).

On voit toute la portée de ces comparaisons, mais aussi ses limites: les rites et pratiques décrites dans les manuscrits de Qumrân re¸coivent dans le Nouveau Testament une interprétation tout autre qui les dynamisent, les termes utilis´es re¸coivent une charge nouvelle. En dépit de toutes ces similitudes, il serait erroné de souscrire á la phrase d’Ernest Renan que le Christianisme est un Essénisme qui a réussi.

Colophon.

En guise de conclusion, je voudrais citer un hymne, un des plus beaux, peut-être, qui a été trouvé et qui témoigne de la profonde spiritualité des membres de la Communauté [4 Q 434, 436, Hymne des Pauvres, Frag. 2, Col. 1, EISENMAN (3, p. 295)].

Notes

(1) Bénis le Seigneur, ô mon âme, pour toutes Ses merveilles á jamais Béni soit Son nom, car il a sauvé l’âme des Pauvres.

(2) Il n’a pas dédaigné l’Humble, Il n’a pas non plus oublié la détresse des opprimés Au contraire Il a ouvert les yeux sur l’Opprimé et, tendant l’oreille, il a entendu.

(3) le cri des orphelins. Dans l’abondance de Sa Miséricorde, Il a consolé les Humbles et Il leur a ouvert les yeux pour qu’ils aper¸coivent Ses voies et les oreilles pour qu’ils entendent.

(4) Son enseignement.

Par Aimé Fuchs dans "Les Manuscrits de la Mer Morte" 2010. pp.13-15. Numérisée, adapté et illustré par Leopoldo Costa.

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