12.05.2018

LES 10 ÉNIGMES DE L'ESPÈCE HUMAINE



1.Pourquoi ne ressemblons-nous pas plus aux chimpanzés?

Personne ne confondra un être humain avec un chimpanzé et pourtant, nous avons plus d’ADN en commun qu’une souris et un rat ! Comment est-ce possible ? Nos génomes diffèrent d a peine plus de 1 %, mais cela équivaut à plus de 30 millions de mutations. Environ 80 % de nos 30000 gènes sont affectés ! Et même de petites différences peuvent avoir des effets majeurs. Le gène FOXP2, lié au langage, diffère ainsi de son homologue simien par seulement deux acides aminés.

Des changements dans la régulation des gènes - quand et où les gènes sont exprimés au cours du développement - sont également critiques, souligne James Noonan de l'Université de Yale. Ensuite, il y a la duplication des gènes. Evan Eichler de l’Université de l'État de Washington pense quelle a contribué à l'évolution de nouvelles capacités cognitives chez les humains. Avec un coût cependant : une plus grande susceptibilité aux troubles neurologiques... Les suppressions ou déplacements accidentels de morceaux d’ADN sont aussi en cause. Recenser toutes nos différences génétiques ne suffira cependant pas à résoudre le mystère. Une grande partie de ce qui nous rend humain est culturelle, transmise de génération en génération par l’apprentissage, explique Àjit Varki de l'Université de Californie à San Diego. Qui plus est, dit-il, la co-évolution des gènes et de la culture est une force majeure dans l'évolution humaine, qui a par exemple permis aux descendants des éleveurs de digérer les protéines du lait.

2. Pourquoi sommes-nous devenus bipèdes?

La bipédie aurait émergé il y a au moins 4,2 millions - et peut-être même 6 millions - d'an nées. Le problème, explique Chris Stringer du Musée d'Histoire Naturelle de Londres, est que la marche offre de nombreux avantages, mais elle nécessite d'importants changements anatomiques. «Cela pourrait avoir commencé dans les arbres», suggère-t-il en soulignant que les orangs-outans et d’autres primates marchent le long des branches. Cela n’explique toutefois pas pourquoi les bipèdes ont développé une anatomie particulière.

La bipédie aurait pu renforcer la survie en permettant aux mâles d'accéder à plus de nourriture afin d alimenter femme et enfants. Mais cela suppose une origine précoce de la monogamie, indique Donald Johanson de l'université d'Etat de l'Arizona. Or, les premiers hommes étaient beaucoup plus grands que les femelles, ce qui est un signe de concurrence plutôt quatre coopération entre les sexes. Autre hypothèse : la bipédie aurait permis un accès à une plus grande variété alimentaire, favorisant la longévité et le nombryde descendants. Les plus grands changements an atonal qu es se sont produits autour de 1,7 million d'anèes, quand nos ancêtres ont quitté les forêts pour la savane. Marcher debout aurait pu les aider à gérer la chaleur torride de la prairie et à devenir plus mobiles. «Je pense que le débat se résume à l'efficacité et la distance des déplacements », explique Robin Dunbar de l'Université d'Oxford. La bipédie a permis à nos ancêtres de parcourir de longues distances, afin de iraquer une proie dan« la savane. Une étude suggère même que nous serions adaptés à la course d endurance, ce qui risque de faire sourire nos contemporains paresseux !

3. Pourquoi le développement technologique était-il si lent?

Des éclats de pierre tranchants datant de 7,6 millions d années sont les plus anciens outils connus. La taille directe n est apparue quun million d années plus tard et a pris le même nombre d'années avant d’être perfectionnée ! Pourquoi une telle lenteur? L’intelligence a dû jouer un rôle. Au cours de ces 2 millions d'années, la taille du cerveau a en effet plus que doublé ! Dietrich Stout de l'Université d’Emory, aux États-Unis, a analysé par IRM des cerveaux de tailleurs de pierre modernes. Son étude suggère que les premières innovations dépendaient de nouvelles capacités de perception motrice alors que les développements ultérieurs ont été permis par la complexité cognitive croissante. Chris Stringer du Musée d'Histoire Naturelle de Londres identifie une autre raison : la démographie. Dans les populations modernes, il existe diverses manières de transmettre l'information et notre longévité permet le transfert entre générations, alors que nos ancêtres vivaient au maximum 30 ans... Par ailleurs, ils ont peut-être évité des expérimentations risquées, leur vie étant suffisamment difficile. «C'est dangereux d'innover et d'inventer», affirme Chris Stringer. Mark Pagel de l'Université de Readingau Royaume-Uni, établit une comparaison avec les chimpanzés qui peuvent faire des out ils rudimentaires. Ils apprennent par essais et erreurs, dit-il, et non pas en se regardant et en se copiant, comme font les humains.

4. Quand le langage est-il apparu?

L'apparition du langage est très difficile à cerner, Homo sapiens n'était pas le seul hominidé doté de cette capacité. L'homme de Néandertal possédait les connexions neuronales ad hoc et le gène FOXP2 essentiel au langage. Cela suggère donc une apparition précédant la divergence de nos lignées, il y a 500 000 ans!

De fait, l'Homo heidelbergensis avait déjà le don de l'éloquence il y a 600 000 ans. Des fossiles montrent qu'il a perdu un organe qui permet aux autres primates de produire des bruits forts pour impressionner leurs adversaires, mais qui permet de produire le son des voyelles. Le dernier hominidé doté d'un tel organe est âgé de 1,6 million d'années, ce qui suggère que la parole a évolué entre cette date et 600 000 ans. Pour compliquer les choses, le langage a peut-être commencé avec des gestes des mains ! Si c'est le cas, les hominidés auraient pu converser en langue des signes bien avant décaisser des empreintes fossiles, Robin Dunbar de l'Université d'Oxford suggère que la voix pourrait s’être développée pour chanter autour du feu, une activité importante pour souder le groupe. Chris Stnnger du Musée d’Histoire Naturelle de Londres souligne toutefois que Homo heidelbergensis et les Néandertaliens ont construit des outils complexes et chassé des animaux dangereux - ce qui aurait été très difficile sans un langage, même primitif.

La transmission d'idées complexes ne serait finalement apparue qu'avec la sophistication culturelle et le symbolisme associés à Homo sapiens.

5. Pourquoi nos cerveaux sont-ils si grands?

Il y a près de 2 millions d'années une seule mutation aurait permis la croissance rapidè du cerveau! La réseau de cette évolution est une autre énigme... David Geary dé l'Université du Missouri a montré que les pressions environnementales et sociales ont toutes deux joué un rôle;’mais le défilié à la navigation dans un plus grand réseau social aurait eu le plus d'impact. Un gros cerveau est toutefois très énergivore.

Les premiers humains ont donc dû modifier leur régime alimentaire en ajoutant la viande et des fruits de mer, fournisseurs d'oméga-3. La cuisson a pu aider aussi en facilitant la digestion ce qui a pu entraîner une réduction de la taille des intestins pour libérer des ressources pour la tête. Les grands cerveaux ont cependant un prix comme les dangers de l'accouchement...

6. Pourquoi avons-nous perdu notre fourrure?

L'explication la plus originale suppose que nous sommes passés par une phase aquatique, il y a des millions d'années. Les preuves fossiles font toutefois défaut... Selon une idée plus populaire, nous aurions perdu notre pelage lors de la transition de la forêt à la savane. «Notre seul moyen pour nous refroidir est la transpiration qui, avec une épaisse fourrure, est inefficace», argue Chris Stringer du Musée d'Histoire Naturelle de Londres. Cependant l'âge glaciaire du Pléistocène aurait été très difficile sans un isolant naturel... Mark Pagel à l'Université de Reading au Royaume-Uni, pense qu’il a fallu attendre un stade d'intelligence suffisante, sans doute lors de l’évolution des hommes modernes il y a 200 000 ans, «Nous avons alors pu fabriquer des vêtements, des abris et du feu.»

L’absence de fourrure serait aussi un avantage sélectif pour réduire les parasites et attirer les partenaires sexuels. Pourtant un indice va dans le sens d’un dénuement bien plus précoce.. .

L’apparition du pou du pubis (morpion), il y a environs 3,3 millions d'années, n'aurait pu se faire sans la perte de notre fourrure, créant sa niche, explique Mark Stonekingde l'Institut Max Plank en Allemagne. Qui plus est, révolution des poux de vêtements date d’environs 70 000 ans. Cela suggère que nos ancêtres sont restés nus pendant une longue période.

7. Pourquoi avons-nous colonisé la planète entière?

Nos ancêtres étaient dmfaligables migrateurs! Homo erectus est le premier à être sorti d'Afrique, il y a 1,8 million d'années, suivi par Néandertal puis, Homo sapiens, il y a 125 000 ans. Leurs colonies se sont toutes éteintes. Mais il y a 65 000 ans, un groupe d'hommes modernes a quitté l'Afrique et conquit le monde! Qu'est-ce qui les a poussés si loin? La surpopulation a pu jouer. Quentin Atkinson de l'Université d Auckland en Nouvelle-Zélande a constaté qu'une lignée a connu une explosion démographique dans les 10 000 années qui ont précédé l’exode, probablement liée à un climat plus stable en Afrique.

Paul Mellars de l'Université de Cambridge fait valoir le rôle des progrès technologiques, sociaux et cognitifs. Les avancées culturelles de cette période auraient été cruciales, confirme Mark Pagel. «Non seulement nous pouvions nous déplacer, mais aussi changer le monde à notre arrivée! » Cette capacité d’adaptation aurait poussé les migrants toujours plus loin, note-t-il, alors que les populations atteignaient rapidement leurs limites. «Certaines "migrations” auraient été accidentelles», ajoute. Chris Stringer. Le peuplement de l'Australie résulte peut-être de la dérivé de marins voyageurs. Des mutations génétiqpès pourraient aussi nous avoir rendus plus aventureux!

Le gène de «recherche de la nouveauté», DRD4-7R, est ainsi plus fréquent dans les populations qui ont migré plus vite et plus loin de l'Afrique.

8. Certains d'entre nous sont-ils des hybrides?

Tous les humains, descendants non africains, ont entre 1 et 4 % de leur génome issu de Néandertal! Les Mélanésiens (habitants actuels des îles du Pacifique) ont également 7% de gènes des Denisovans (hominidés anciens de Sibérie). «C'est une preuve du croisement avec ces populations», affirme Richard Green de l'Université de Californie. Ces accouplements entre «cousins» ont dû être rares et peut-être même uniques. L'hybridation avec Néandertal aurait eu lieu il y a plus de 50000 ans au Proche-Orient.

Tout le monde n'est cependant pas convaincu. «Les hommes ont dû souvent croiser les Néandertaliens en Europe, argue Paul Mellars. Pourtant, il n'y a aucune preuve de métissage ici.» Richard Green rétorque que la preuve ADN de l'accouplement en Europe aurait pu être affaiblie ou effacée par la supériorité numérique des hommes sur les Néandertaliens. Mais il y a une autre explication. Des populations anciennes communes ont pu diverger et donner naissance à l'ancêtre de tous les hominidés hors d'Afrique ei à celui de tous les Africains. Dans ce cas, les non-Africains et les Néandertaliens partageraient une part d’ADN.

Même en acceptant l’idée du métissage, cela fait-il de nous des hybrides ? Selon la définition commune, une espèce ne peut pas se reproduire avec d'autres. L'analyse génétique remettrait alors en question l’appartenance des Néandertaliens et des Denisovans à des espèces différentes de la nôtre.

9. Avons-nous tué Néandertal?

A partir de 100 000 ans, les Néandertaliens alors répandus à travers l’Europe et l'Asie, ont vu leur population diminuer au fil des millénaires. Parmi les derniers survivants, ceux, isolés sur Pile de Gibraltar, ont succombé il y a 24 000 ans.

La plupart des théories sur leur disparition pointent le doigt sur nous! Nos ancêtres ont pu leur transmettre des maladies ou bien remporter la compétition pour la nourriture et les terres. Des recherches suggèrent que Néandertal était en effet moins compétent pour la coopération et l'utilisation d'outils de pointe.

Pourtant, les sites néandertaliens montrent peu de signes de contact direct avec Homo Sapiens, sans parler de compétition ou de guerre, note Clive Finlayson, de l'Université de Toronto, il pense au contraire que c est le changement climatique qui en cause ! Au cours du dernier âge glaciaire, il y a 100 000 ans, la végétation en Europe du Nord a laissé place à des plaines. Homo Sapiens avait des projectiles pour chasser à distance, mais Néandertal qui utilisait des buissons pour chasser de près, n aurait pas survécu. Qui sait, si le climat avait été différent, un homme de Néandertal serait peut-être assis à votre place!

10. Existe-t-il d'autres hominidés vivants?

Les légendes du Yéti ou du Bigfoot, fascinent depuis des siècles. Y aurait-il une part de vérité? Cela semble peu probable, Jeff Lozier de l’Université d’Alabama a montré que les supposés Bigfoot étaient en réalité des ours.  Je n'ai jamais rien vu qui m'a convaincu », ajoute David Coltman de l'Université d’Alberta au Canada. Il admet toutefois que de nouveaux primates sont parfois découverts dans des régions éloignées, de sorte qu'il reste une infime chance de tomber sur une créature inédite. « Mais il est très peu probable qu'ils puissent rester cachés si longtemps.»

Quelques scientifiques sont prêts à envisager l'idée qu Homo sapiens n'est pas seul. Jeffrey Meldrurn de l’Université de l'Etat de l'Idaho souligne les étonnantes découvertes d'Homo floresiensis, un hominidé nain, il y a 9 ans en Indonésie. Et celle, il y a 2 ans, des Denisovans vivant en Sibérie autour de - 40 000 ans. Jeffrey Meldrurn pense que de petits groupes pourraient vivre dans des régions telles que l'Himalaya et le Caucase. Et même plus près de nous. En 1996, il a examiné des empreintes semblables à celles d’un singe géant, dans l'Oregon.

Il a été surpris par le niveau de détails, très difficiles à fabriquer, « Je n'essaie pas de convaincre les gens de l'existence du Sasquatch, mais nous ne devrions pas tourner le dos à cette possibilité. »

Par Dan Jones, Kate Douglas, David Robson et Sabine Casalonga dans "Le Monde des Sciences", juin/juillet 2012, n.3, France, pp.29-37.  Numérisé et adapté pour être posté par Leopoldo Costa.


















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